Une fête comme on en connait peu [Terminé]

19 Autÿn

Grandes festivités et grandes joies à l'auberge de Ra'Sibe ce soir là. Les nouveaux soldats fêtaient leur départ en guerre en compagnie de jolies femmes et de beaucoup d'alcool. Le réconfort avant le gros effort. Pour l'occasion, le gérant avait fait mettre des décorations spéciales aux armes de leur patrie, et invité de nombreux bardes et danseuses à venir animer la soirée. Parmi ces bardes, un duo doté d'un certain succès malgré le peu de contes qu'ils avaient pu donner.

La fête battait son plein tandis que les pièces de porc et de bœuf passaient de table en table, et que l'alcool continuait de couler à flots dans la salle bondée. Les danseuses se pavanaient sur la scène au son des luths endiablés, repoussant de temps en temps l'assaut d'un poivrot un peu trop entreprenant, sans pour autant perdre leur joie et leur sourire. De vraies professionnelles.

Dans l'assemblée, le duo si apprécié profitait à présent des délices de la fête. Un vieillard lubrique fixant les danseuses sans oser les approcher, et sa femme, derrière lui, belle et bien habillée, profitant d'une certaine dose d'alcool à laquelle elle n'était pas habituée. Tous deux, malgré leurs activités aux semblant anodins, attendaient une personne. Enfin, pas réellement une personne, mais quelque chose de bien plus grand.

Ra'Sibe... La capitale de l'empire des Hommes... Ïlimentã détestait y mettre les serres. Quoiqu'en l'occurence, il s'agissait plutôt de Liliàn qui détestait y mettre les pieds. En effet, il n'est guère conseillé de pénétrer dans une cité aussi étendue et fréquentée dans laquelle son apparence draconique est connue comme le loup blanc, lorsque l'on souhaite être la plus discrète possible.

La jeune femme était donc entrée dans l'auberge en toute discrétion. Ou du moins, avait essayé. Des soldats plus ou moins éméchés s'étaient tournés vers elle, la détaillant des pieds à la tête, s'attardant avec une expression avide sur ses courbes. Liliàn eut un rictus dégoûtée tout en soupirant séchement.

*Si jamais je n'apprécie pas ce que je vais entendre, je trouverais un moyen de te le faire payer, Crépuscule !...*

Le spectacle qui s'offrait à elle n'arrangea pas son mécontentement. Des hommes d'armes qui semblaient fêter en avance leur victoire sur le peuple des Nalamis. Un léger grondement naquit dans les profondeurs de sa gorge d'Humaine, qu'elle contint difficilement. Un sourire flotta sur ses lèvres en songeant qu'elle pourrait très bien prendre sa forme draconique et dévorer tout ce beau monde, rien que pour leur prouver que rien n'est jamais joué d'avance.

Puis la déesse aperçut enfin le couple de bardes qui incarnaient Crépuscule aux yeux des Humains. C'est d'un imperceptible hochement de tête que Liliàn les salua, leur adressant un grand sourire qui avait un je ne sais quoi de dérangeant...

La double incarnation accueillit avec joie la venue de leur "amie". Leur sourire a eux était tout à fait franc, sans anicroches, même si l'Unité avait parfaitement conscience des ressentis de la Déesse. Ce fut Elëan qui vint la voir, Sécrus était bien trop occupé à regarder les danseuses en tripatouillant distraitement son sac, ayant clairement oublié ce qu'il y cherchait.

"heureuse de te revoir, ma chère Liliàn. Tu arrives à temps, les danseuse vont bientôt terminer leur numéro, ça va être notre tour."

L'une des deux incarnations, la jeune femme de noble lignage répondant au nom d'Elëan, vint accueillir la divinité déguisée, l'air plutôt de bonne humeur. Elle l'informa que viendrait leur tour lorsque les danseuses mettraient fin à leur numéro. Liliàn jeta un coup d'oeil à la fois sceptique et amusé à Sécrus, tout en déclarant d'une voix un peu moqueuse :

- Es-tu bien sûre que ton... Epoux survivrait à leur arrêt ?...

Un sourire amusé avait étiré ses lèvres alors qu'elle achevait sa phrase. Puis, reportant ses prunelles écarlates sur la jeune femme, elle poursuivit :

- Comment arrives-tu à supporter ces... Parasites ? interrogea-t-elle en désignant les hommes d'armes à moitié ou complétement ivres qui n'hésitaient pas à hurler à tue-tête. Si ça ne tenait qu'à moi, je massacrerais cette bande d'animaux brutaux et irrévérencieux...

Comme n'importe qui pouvait donc le constater, Liliàn n'avait guère amélioré son "amour" pour la race des Hommes...

"Allons, ne soit pas si agressive. Il s'agit d'une fête, après tout. ces hommes courent au massacre sans le réaliser encore. Les illusions peuvent bercer bien des vies, la cruelle réalité les rappelle toujours à son bon souvenir. Pourquoi détruire ce qui nous fait exister, Liliàn? N'oublie jamais que ce sont les mortels qui nous font, pas l'inverse."

Elëan avait une expression maligne au visage, chose assez inhabituelle chez le dieu de la survie. A ses yeux, aucune vie ne valait plus qu'une autre, mais toutes formaient un tout qui faisait tourner le monde. Les forts dévorent les plus faibles, mais lorsque les faibles disparaissent, les forts se sabordent d'eux mêmes.

La jeune femme tira Sécrus par le col pour le ramener à elle. Il s'attendait à une grosse engueulade et ferma les yeux en attendant le choc, mais au lieu de ça, il rencontra le moelleux de la poitrine de sa femme.

"Et ne t'inquiète pas pour Sécrus. A la différence de ces filles, je peux lui donner plus qu'un simple regard."

L'esprit de la fête, et l'alcool par dessus le marché, dévergondaient quelque peu la fille de bonne famille, ce qui la rendait à la fois plus agréable, moins coincée, mais plus inquiétante, laissant aller ses sentiments.

Liliàn sourit franchement, amusée par le comportement d'Elëan. Ce n'était pas franchement dans les habitudes de la double incarnation de Crépuscule de se donner en spectacle ainsi... Ou du moins, pas de cette manière là !

- Contrôle tes ardeurs, nous sommes en public, ma chère... En attendant, je suis impatiente d'entendre ce que vous pouvez bien avoir à nous chanter. soupira-t-elle en portant la main droite sur sa hanche.

La déesse repensa aux paroles de la jeune femme, avec un certain agacement... Oui, elle était au courant que si les divinités, (elle-même comprise dans le lot, donc) vivaient et avaient encore des pouvoirs, c'est parce-qu'il y a encore des mortels pour croire en elles... Mais Liliàn détestait admettre cette dépendance. C'est pourquoi elle l'enfouissait le plus souvent dans un sombre recoin de sa mémoire, et ne dépoussiérait ce concept dérangeant qu'en de rares occasions.

"Rooh, détends-toi un peu, sois pas si coincée."

La réplique était amusante de la part de la jeune femme, étant donné sa façon habituelle de casser les amusements d'autrui en râlant pour tout. Le dieu était tellement dans son double rôle qu'il en perdait parfois la notion de réalité, donnant à ses personnage une vie particulièrement réaliste.

Sécrus se dégagea avec quelques regrets, et le numéro des danseuses cessa soudain. Leur tour était arrivé, et ils étaient relativement attendus. Sécrus et sa femme montèrent sur scène, après avoir fait un clin d'œil à Liliàn. Elëan prit la parole, de sa voix chantante.

"A présent, voici une chanson pour ceux qui ont connu, ou que ne connaissent pas encore l'amour. Voici une histoire qui s'est produite il y a peu de temps, un amour perdu et désespéré. Pour cette occasion, nous avons décidé de dédier cette chanson à une grande amie à nous, Liliàn, qui nous fait l'honneur de sa présence ce soir. Une ovation pour elle!"

Au vu de la joie environnante, il n'en fallut pas plus pour qu'il y ait une grande hola pour la déesse, sans que quiconque ne sache de qui il s'agissait dans l'assemblée. L'Unité se demandait si la dragonne divine résisterait à l'envie de tout faire sauter...

Coincée ?... Plaît-il ?... Entendre cette expression de la bouche de Crépuscule un et entier n'aurait pas été si surprenant que cela, mais là il s'agissait tout de même d'Elëan ! La jeune femme inventée de toutes pièces par le dieu des arts n'était certainement pas du genre à se comporter ainsi... Liliàn poussa un long soupir las. Encore une chose déplaisante qu'elle avait "oubliée" plus ou moins volontairement... Crépuscule se laisse parfois emporter par son propre jeu.

La suite plût beaucoup moins à la déesse sombre... Après être montés sur la scène en lui adressant un clin d'oeil, Elëan dédia leur chanson à Liliàn, mais si ça n'avait été que ça... Voilà qu'elle demandait à présent qu'on l'ovationne ! La divinité se sentit bouillir d'une rage presque aussi noire que ses écailles de Dragonne en voyant les Humains l'acclamer.

*Ces idiots ne savent même pas qui ils sont en train de célébrer !... Je me demande ce qui me retient de tous les massacrer...*

Mais la réponse était on ne peut plus claire, et Liliàn savait parfaitement pourquoi elle contenait tant bien que mal ses envies de meurtre... Une fois de plus sa curiosité l'emportait sur le reste.

Le couple eut un petit sourire satisfait, de ces rares occasion où la personnalité de l'Unité reprenait le dessus sur sa double incarnation, et où son rôle lui échappait temporairement. Le couple sortit ses instruments : une flûte à cent trous enroulée sur elle même pour Sécrus, et un luth à dix cordes pour Ëlean.

Quelques notes montèrent dans l'assemblée, qui immédiatement se calma pour écouter la chanson qui allait suivre. C'était une musique assez légère, presque autant que les nuages, et qui offraient aux spectateurs l'impression de se déplacer dans les airs en se laissant juste pousser par le vent. Puis Ëlean se mit à chanter, contant de sa voix merveilleuse son histoire :

"Mesdames messieurs, voici à présent l’histoire d’un amour sincère, perdu dans un océan de tristesse.

Elle se nommait Céleste, grande dragonne aux reflets bleus, dont le cœur pur et l’insouciance la menèrent à voyager à travers le monde, à connaître les peuples et à aimer la création."

La musique se mit à changer. Les notes étaient désormais beaucoup plus grave, et à mesure qu'elle chantait, le rythme s'accélérait, plongeant l'assemblée dans une ambiance où la tension devenait palpable, et où la peur s'insinuait dans les esprits, poursuivant le terrible périple ainsi conté.

"Hélas, tous n’étaient pas comme elle, et alors qu’elle se reposait d’un long voyage, une créature démoniaque s’attaqua à la pauvresse.

Un dragon dit-on, aux écailles noires comme l’ébène et aux yeux rouges comme le sang jaillit de son antre infernale et fondit sur la dragonne innocente. Ce dragon, dit-on, se nommait Koristra, un serviteur de la terrible et puissante Ïlimentã elle-même. Elle l’avait envoyé détruire cette dragonne qui semait derrière elle le sourire et le bonheur.

Prise au dépourvu, la pauvresse tâcha de se défendre contre cette créature infernale, mais ses forces, amoindries, ne lui furent d’aucun secours, et les griffes et crocs du dragons eurent raison d’elle bien vite.

La douleur, la souffrance, l’incompréhension emplirent Céleste. Sentant sa dernière heure arriver, elle pria le glorieux dieu Ëlementis, seigneur de tous les dragons, de lui porter secours. Hélas, trois fois hélas, aucune réponse, aucune aide, aucune intervention divine ne vint, et les chairs lacérées de la dragonne laissaient peu à peu échapper son dernier souffle.

Quel malheur, quel désespoir de voir ainsi si belle et si pure créature finir ses jours entre les griffes du Mal originel."

La musique était si basse qu'elle s'entendait à peine. Quelques larmes coulèrent dans la salle, tous pensaient déjà la dragonne de l'histoire morte de la main de l'ennemi. Et soudain, la musique prit une nouvelle embardée, menant un ensemble de notes graves et aiguës dans un ensemble épique qui aurait réchauffé le cœur de n'importe quel guerrier au début d'une grande bataille

"Mais alors que tout espoir la quittait en même temps que sa vie, apparut un courageux dragon, aux écailles bleues brillantes dans le ciel, reflétant la voûte céleste sur tout son corps. Le guerrier des cieux vint immédiatement porter secours à la dragonne en détresse, par une puissance dont on dit qu’elle retournerait les rivières, il chassa l’immonde créature bien loin de cette région, à jamais.

Le vaillant dragon vint ensuite auprès de Céleste. Il soigna ses blessures, et lui permit enfin de se reposer en paix. Combien de temps resta-t-il auprès d’elle, lui apprenant une autre face de la vie, un sentiment sincère qui naissait peu à peu entre eux ? Nul ne saurait le dire. Mais encore une fois, le malheur frappa de son lourd marteau la pauvresse."

Le ton des instruments revint au rythme du début, léger comme l'air, mais pas apaisant. La musique était lente, triste, sanglotante, et appelait à ressentir la peine de l'héroïne de l'histoire.

"Un matin comme les autres, alors qu’elle se réveillait d’une longue nuit de sommeil auprès de son amant, il n’était plus là, à ses côtés. Inquiète, elle le chercha, appelant son nom, recherchant sa trace. Elle n’eut aucune réponse. S’était-il enfui ? L’avait-il quittée ? Pourquoi ? Des questions qui ne trouvèrent aucune réponse, aucun réconfort.

Céleste reprit sa route à travers le monde, cherchant partout où elle allait sa trace, dans l’espoir de le revoir un jour, de comprendre pourquoi, de lui avouer ce qu’elle ressentait pour lui. Peut-être la verrez-vous un jour. Peut-être jamais. A travers le monde elle erre sans but, n’attendant que son précieux amour pour revenir à la vie.

Ô toi, Lacke, Héros de Céleste et amour précieux. Entends-tu la complainte de l’amour perdu ? Sauras-tu répondre à cet amour si fort que toute la création seule ne suffirait pas à l’étouffer ?"

L'histoire était terminée. La musique s'arrêta, laissant derrière elle un long silence. Puis, l'ambiance de la chanson s'échappant peu à peu, le public subjugué par la prestation des incarnations divines se mit à applaudir à tout rompre, emplissant la salle d'un boucan encore plus important qu'en y entrant.

Ëlean et Sécrus saluèrent prestement, accueillant avec plaisir les fleurs et pièces qui tombaient sur leur estrade, avant de redescendre et laisser leur place à un autre barde, qui aurait bien du mal à fournir une prestation aussi riche. Enfin, ils retrouvèrent Ïlimenta, du moins, sa forme mortelle, et lui demandèrent simplement ce qu'elle en avait pensé.

[ ça m'a pris du temps, mais ça y est, je revieeeennns !]

Tout le temps que dura le chant de la double incarnation, Liliàn était restée totalement immobile, ses fines prunelles écarlates allant lentement du visage de Sécrus à celui d'Ëlean, dans un va-et-vient régulier et attentif. Les notes du couple lui parvenaient comme au travers d'un voile de brume, étouffées, assourdies... La divinité sombre recherchait dans les méandres de sa mémoire le souvenir de ce jour. Koristra... Ce nom lui disait effectivement quelque chose, mais... Les souvenirs qui lui restaient à propos de ce Dragon lui apparaissaient comme un pâle écho de son passé, et guère plus.

La jeune femme poussa un profond soupir, baissant les paupières sur ses iris incandescents, alors qu'une main négligeante passa dans sa longue chevelure ébène. Après tout, personne ne pouvait exiger d'elle d'avoir une mémoire infaillible, non ?...

Lorsque les incarnations de Crépuscule se turent, une vague d'applaudissements et de viva s'éleva comme un grondement de tonnerre dans la salle, arrachant une légère grimace de désapprobation à Liliàn, qui porta détourna la tête avec un sifflement mauvais. Décidément, les manières des Humains ne cesseraient jamais de l'exaspérer et de l'outrer !

*Quelle vulgarité... Quel ramassis de crétins et d'ignares bestiaux !...*

Soit, la déesse était quelque peu irritée... Mais cela allait lui passer. Enfin, c'était à souhaiter !
Un léger sourire s'esquissa sur ses lèvres quand elle vit Sécrus et Ëlean venir vers elle avant de s'enquérir ce qu'elle avait pensé de leur prestation. Après un léger temps de silence, la jeune femme commença :

"Eh bien... C'était un conte admirablement bien déclamé... En revanche, je te suspecte d'avoir voulu me faire passer un quelconque message, très cher !"

Non, ses pensées n'avaient pas dépassées ses paroles. Elle avait bel et bien désigné la double incarnation comme s'ils n'étaient qu'un. Car à ses yeux, à cet instant, c'était plus que jamais Crépuscule qu'elle avait en face, et non Sécrus et Ëlean.

[Ravie de te retrouver, mon cher collègue de RP divin et espiègle ! 8D]

Les deux incarnations répondirent joyeusement de concert à la déesse.

"Noooon, c'est pas mon genre, tu me connais."

cela souleva d'ailleurs quelques haussements de sourcils étonnés, mais dans la ferveur de la soirée, cette anomalie disparut vite dans les vapeurs de l'alcool. Sécrus reprit la parole, ce qui sembla un peu plus "normal" pour la double incarnation.

"Je t'avais dit que j'avais une histoire intéressante sur Elementis. Il y a assez d'indices pour que tu comprennes, non ? Ceci dit, ça n'a aucun rapport avec nos affaires"

Ëlean riait à cette petite blague. C'était certain, dès qu'elle buvait un peu d'alcool, elle était bien plus détendue qu'à l’accoutumée. Sécrus, en revanche, ne changeait absolument pas, il tenait beaucoup mieux.

Un léger soupir échappa à Liliàn.

- Justement, je te connais !...

Un air intrigué succéda au résignement sur le visage de la jeune femme. Mais de quoi voulait-il parler ?... Le jour où Crépuscule cesserait de s'exprimer par énigmes, elle serait revenue au Bien et à l'Espoir !... Autrment dit, c'était pas demain la veille !
Bien qu'agacée, mais finalement habituée à son comportement, la divinité déguisée soupira :

- Qu'entends-tu donc par "nos affaires" ?... N'en avions-nous pas fini avec notre conversation, aux Ruines ?

De plus en plus curieuse, Liliàn commençait à avoir du mal à tenir en place. Et le fait qu'elle fut dans une taverne humaine puant l'alcool devait sûrement y être pour cquelque chose !

Tandis que le dieu esquissa un sourire par l'intermédiaire de sa double incarnation, le décor changea soudainement, comme un changement de scène instantané. Ils étaient... nulle part. Il n'y avait ni sol, ni ciel. juste un environnement aux couleurs changeantes où même l'air semblait absent. Un endroit où nul mortel ne pouvait se rendre.

Pendant ses millénaires d'exil du domaine divin, Crépuscule avait créé des domaines personnels par centaines dans le monde mortel et en dehors, chacun correspondant à l'humeur du moment. Il s'en servait le plus souvent pour les rêves prémonitoires qu'il donnait aux mortels.

C'était dans un de ces domaines privés qu'ils se trouvaient. D'ailleurs, le dieu avait pris une apparence unique, plus proche de sa forme divine : celle d'un voyageur vêtu de vêtements de voyage et un grand manteau aux tons sable et terre, portant un luth au dos, un bâton bien trop grand pour lui pour se soutenir, et une paire de petites lunettes sur le nez.

Il avait les cheveux châtains, assez courts et en bataille, un visage matifié par le soleil, une peau assez douce malgré les apparences. Comme dans toutes ses incarnations, il émanait une certaine beauté de cette apparence, et il arborait un sourire agréable, poussant souvent les mortels à l'apprécier au premier regard, mais proprement inutile face à un dieu.

"Nous serons plus à l'aise ici. J'ai quelques projets pour nos 'arrangements'."

La première réaction de Liliàn fut de sentir un peu... Secouée. Et il y avait de quoi ! Passer subitement d'une taverne de Ra'Sibe à un espace en dehors de toute description mortelle possible, ça a de quoi destabiliser...
Cependant, elle se reprit assez vite et entreprit de jeter un rapide coup d'oeil alentour, comme pour s'assurer qu'il n'y avait plus aucun Humain dans les parages. Vérification futile, d'ailleurs... Mais bon !

Puis la déesse sombre soupira pour la énième fois avant de reporter son regard écarlate sur Crépuscule, qui avait repris son apparence une et entière.

- Qu'entends-tu par "nos arrangements" ? Ta fâcheuse tendance à tout exprimer par énigmes devient lassante ! Pour une fois, soit clair, s'il te plaît.

Soit, on pouvait percevoir comme une note d'agacement dans la voix de la divinité. Après tout, se faire balader par le dieu du voyage n'a rien de très amusant... Bien que ça soit étonnemment bien trouvé !

Le dieu avait un sourire malin aux lèvres, et sa réponse était presque suave, faussement indignée et très exagérée.

"Allons, ma chère Ïlimentã, aurais-tu oublié notre discussion d'hier ? Je ne pensais pas que la grande reine des dragons avait si peu de mémoire. A moins bien sûr que tu n'essaie de te soustraire à mon prix ?"

Assis sur un sol absolument invisible, et qui ne semblait avoir d'existence que pour lui, il fit quelques signes dans les airs, ce qui changea relativement les lieux pour afficher au dessous d'eux une vue des Terres des Mortels. On voyait distinctement les deux continents qui se faisaient face, séparés par la mer.

"Je t'offre les nouvelles du monde, toutes les infos qui t'intéressent sur les mortels, et en échange, tu me rends un petit service."

Son sourire facétieux soulignait aussi un autre aspect de sa personnalité : calculateur et prévoyant. Et surtout à la recherche d'un nouvel amusement. Après tout, il avait été le premier à se mêler aux mortels, la nouveauté devenait difficile à trouver après tout ce temps.

Un léger grognement échappa à la déesse. C'est vrai, elle avait quelque peu oublié les termes de leurs arrangements... Volontairement ?... Possible ! En tout cas, elle ne voulait pas l'admettre.

Lorsque l'image des Terres apparut au sol, Liliàn y jeta un coup d'oeil légèrement dédaigneux. Si certains mortels faisaient partis de ceux qu'elle appréciait, il y en avait en revanche qu'elle aurait volontiers balayés d'un large coup de queue. Cependant, elle ne pouvait pas laisser libre cours à ses envies... Et la raison pour laquelle la divinité sombre ne le pouvait pas tenait en un nom. Elëmentis.

Une moue contrariée s'afficha sur son fin visage. Elle accueilla les dernières paroles de Crépuscule avec un certain sceptisisme.

- Qu'attends-tu de moi, exactement ?

Enfin, ils arrivaient à la discussion qui intéressait le plus Crépuscule.

"C'est assez simple, en vérité. Ces derniers temps, les mortels deviennent... ennuyeux. Ils se font la guerre, puis sont en paix, mais cela doit faire des siècles qu'un vrai héros n'est pas apparu. Mes histoires commencent à lasser et moi même je n'y ai plus tant de goût, à force de les raconter.

Mais les temps changent. Lamesang et Erök s'affrontent sur le terrain des mortels, armée contre armée. C'est amusant, certes, mais ça n'amènera rien qui m'intéresse réellement. Rois contre rois.

Je voudrais que tu prenne sous ton aile un mortel. Peu m'importe lequel, en fait, tant qu'il peut se fondre parmi les humanoïdes. Il faut qu'il prenne en puissance et devienne plus fort que n'importe qui, qu'il se mêle par une quelconque tragédie à cette guerre. Mais surtout, je veux qu'il ne soit d'aucune des deux parties. Ni Lamesang, Ni Erök.

Un héros, qu'il soit béni, maudit, bon ou mauvais, mais un être qui se dressera au dessus de tous les autres et qui marquera à jamais l'Histoire, car son apparition apportera un mouvement très inattendu dans cette guerre."

Manipulateur, malin et fin dans ses paroles, le dieu tenait la déesse dans ses filets, lui exposant enfin ce qu'il attendait réellement d'elle. Et la demande n'était pas des moindres.

Liliàn manqua de s'étrangler. Elle ?... Prendre un mortel sous son aile ?... Mais par les Flammes des Enfers, Crépuscule avait perdu le peu de raison qui lui restait ou quoi ?! Fulminante, la déesse serra les poings. Evidemment, elle n'avait d'autre choix que d'accpeter, si elle voulait accéder aux informations qu'elle lui avait demandé. Ce qui la mettait hors d'elle.
Encore une fois, elle devait bien l'admettre, le dieu des Arts l'avait bien eue !

La jeune femme se força au calme, puis répondit :

- Tu m'as coincée, espèce de sale... !... Je resterai polie. Si j'accepte, tu accéderas à ma demande ? Pas de coups fourrés ?

Avec Crépuscule, mieux valait savoir où on mets les pattes...

"Allons ma chère, je ne suis pas du genre à manquer à ma parole."

Cette phrase même aurait pu paraître ironique, mais le Dieu des Arts n'avait nul intérêt à mentir. Il était inaccessible, intouchable, quoi qu'il arrive. Voir ses propres plans contrecarrés lui plaisait autant que de les voir se réaliser.

"Et pour te prouver ma bonne foi, je vais même te faire une avance. Tu as droit à trois questions, aussi larges soient-elles, et j'y répondrai."

Il se balança en arrière, son corps se retourna complètement pour se retrouver allongé sur un sol qui semblait... vers le haut. En fait, il semblait dos au ciel, le visage vers les Terres, comme si soudain elles étaient devenus son plafond.

Bon, de toute façon, Liliàn avait posée cette question juste pour se rassurer. Mais cela ne l'aidait pas beaucoup ! Avec Crépuscule, encore plus qu'avec elle, impossible de savoir quelles excentricités pouvaient bien lui passer par la tête... Une avance ? Cela pouvait tout aussi bien être une nouvelle chausse-trappe !... Mais après tout, qu'avait-elle à perdre ?...

- Trois questions, hein ?... Je ne t'en poserai qu'une seule, pour le moment. Mais... Qu'est-ce que tu fabriques enocore ?... s'étonna-t-elle en voyant son interlocuteur divin se placer dans une position des plus étranges.

Après un bref soupir las, mais résigné, la déesse reprit :

- Bah, après tout, si tu aimes te retrouver dans des postures pareilles !... Ma question est donc la suivante. Que compte exactement faire cet attardé d'empereur humain contre les Nalamis ?

Il fallait bien l'avouer, cette question la taraudait, et même sous forme humaine elle n'aurait jamais pu s'approcher assez près de qui que soit d'important dans la hiérarchie impériale pour en savoir plus.

Crépuscule eut un certain rire lorsqu'Ilimenta s'irrita de sa façon de se "coucher". il aimait bien regarder les Terres comme s'il s'agissait d'un plafond mouvant et décoré.

"L'empereur ne cherche pas que la guerre. C'est une histoire de vengeance. Même si les tensions existaient déjà, il veut venger la mort de son fils. Son orgueil personnel le pousse à agir en grandes pompes : une déclaration de guerre. Son objectif semble simple : l'éradication totale des Nalamis. Ce vieux fou n'a plus toute sa tête, et à cet âge, il devient difficile à raisonner..."

[ cette information nécessite une confirmation des MJ, j'envoie un MP à Ële

edit : confirmé Wink

]

[Oups, pardon ! Oo"]

Liliàn écouta avec une grande attention les paroles de son compagnon du moment. Ses sourcils se froncèrent sous l'effet de la contrariété. SOit, elle avait deviné depuis belle lurette que les raisons de cette déclaration de guerre n'étaient pas vraiment valables, mais de là à ce que ce soit une simple vendetta personnelle, il y avait tout un monde !

La jeune femme poussa un léger soupir avant de porter la main dans les longs cheveux ébènes, songeuse.
Finalement, elle lâcha :

- Pourquoi est-ce que ça ne m'étonne pas ?... Ces Humains... Mais dis-moi, je suppose que tu vas rester neutre, comme d'habitude ? De toute façon, tu as toujours fait déco au milieu, je ne pense pas que ça change aujourd'hui !

Crépuscule était satisfait par bien des choses, et la dernière question d'Illimenta lui plut beaucoup, car elle prouvait qu'elle n'avait pas compris, comme beaucoup de dieux, la façon dont il "s'investissait" dans les conflits divins.

"Je n'ai pas l'intention de me mêler de cette guerre. Comme toujours, j'observerai le monde, l'évolution des mortels. Je trouverai sûrement là une inspiration quelconque. Peut-être vais-je délivrer une ou deux bénédictions aux survivants, mais même cela, je n'en suis pas certain."

Entre mensonge et vérité, il s'agissait surtout d'omission volontaire pour masque ce qu'il faisait déjà. Il était là, allongé sur le vide qui semblait peu à peu descendre vers les Terres. Ou plutôt, les Terres semblaient se rapprocher, car aucunement il ne s'éloignait de la déesse.

[Encore désolée du retard, mais j't'oublie toujours, paumé au milieu de Ra'Sibe ! xD.... *sbaff*]

Liliàn garda le silence, songeuse. La réponse de Crépuscule, bien loin d'assouvir sa curiosité, avait éveillé en elle quelques soupçons. Peut-être était-ce le ton adopté ?... Non, il était passé maître dans l'art du mensonge, tout comme elle, alors ce n'était pas cela qui lui avait mis la puce à l'oreille. Mais quoi donc, en ce cas ?...

Au bout de quelques instants de réflexion, la déesse finit par jeter l'éponge, et comme avec tous les sujets qui la contrarient, elle exila cette idée dans un recoin sombre de son esprit. Après tout, peut-être était-elle juste trop méfiante...

Finalement, la divinité recula d'une dizaine de pas, puis reprit enfin son apparence draconique. Là, elle étira ses ailes, histoire de se les dégourdire quelque peu, avant de se coucher, étendant ses serres antérieures devant elle, son cou portant sa fine tête racée aussi haut que possible, formant cette élégante courbe semblable à un S.
Pourquoi avoir choisi de redevenir Ïlimentã ?... Peut-être parce-qu'elle en avait tout simplement assez d'être à la même taille que Crépuscule ! Certes, ce n'était pas sa taille (quoique non négligeable) qui ferait la différence, mais on était tout de même mieux sous son apparence originelle...

- Crépuscule... souffla-t-elle presque pour elle-même. Parfois j'aimerai vraiment pouvoir savoir ce que tu caches dans les méandres de son esprit retors !

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