Apprécier le travail bien fait

[ Huit Juwÿn ]

Il commençait à se faire tard en ce huitième jour du mois de juwÿn, et alors que la plupart des artisans avaient fini leur travail et célébraient encore la fin du Printalis, les lumières de la forge étaient toujours allumées.
Basil, l'apprenti forgeron, inventait sans le savoir le principe des heures supplémentaires non rémunérées, en travaillant sur une commande personnelle. Après avoir passé la journée à forger des épées pour une commande de l'empereur humain, il se consacrait à présent à la confection d'une enseigne en acier pour un elfe noir étrange qu'il avait rencontré quelques jours auparavant. Il venait de commencer, et il se tenait pour le moment près du feu, à observer un chaudron dans lequel chauffaient des dizaines de scalpels en acier.
Malgré la chaleur suffocante de la forge, due aux feus qui avaient tourné toute la journée, Basil gardait sur le dos sa longue tunique en écailles de dragon. Il avait cependant retiré la capuche, et remonté les demis-manches jusqu'aux épaules afin d'avoir moins chaud.

Juwÿn, déjà. Bon à vrai dire quand on passe ses journées à admirer un plafond et discuter avec sa sauveuse le temps passe de manière différente. Et en même temps, dans un autre sens c'était plutôt lointain. Pour ce que je comptait faire. J'y avais beaucoup réfléchit, et comme je me sentais assez bien pour sortir je m'étais décidée à bouger. Prendre l'air déjà. J'étais passée en premier lieu voir mon patron, juste pour montrer que ça allait, et aussi que en fin de compte le travail ça me manquait un peu même malgré tous ces innombrables inconvénients. Du reste, j'ai beaucoup marché, je me réhabituais à le faire d'une certaine manière.

Et puis il a commencer à se faire tard, j'hésitai toujours. Il fallait que je me décide maintenant et pas arrivé en pleine nuit... ça, ce n'était même pas envisageable ! Le temps me manquant je me suis mise à marcher. La forge... Bien ça qu'il avait dit. Je connaissais le chemin, ce n'était pas si loin que ça, mais tout le monde avait déjà fermé boutique, certains depuis longtemps même. Ça serait ouvert encore ? On peut toujours croiser les doigts ça n'a jamais manger personne !

Ouvert. Oh ! Miracle ! Bon eh bien... Plus qu'à y aller maintenant, mais qu'est-ce que ça me ferait bizarre... Tant pis, j'y vais, j'ouvre. Je jette un regard dans la pièce. Aya il est là, tout seul. Ben ça, si c'est pas le la chance. Ou pas. Il se rappel de moi ? Bon, oui surement, on oublie pas un cas comme ça c'est sur, mais bon. Aller, je m'approche. J'ai du être tellement discrète qu'il à pas du me remarquer, il travail aussi.

- Eum... Euh, bonsoir.

Plongé dans la surveillance des scalpels en train de fondre tout doucement, Basil n'entendit effectivement pas Nayumi rentrer. Aussi sursauta-t-il en entendant une voix lui parler si près, et dans un geste de pur réflexe défensif, il posa la main sur la garde de son épée et la tira légèrement, prêt à la sortir, tout en se retournant vivement vers la personne qui venait de lui parler. Il resta alors bloqué quelques instants, avec une expression un peu comique de surprise, puis il rentra son épée dans son fourreau et après un soupir de soulagement, il répondit :

Bonsoir Nayu.

Désignant l'épée à sa ceinture, il expliqua son geste :

Désolé, je ne m'attendais pas à... à ce que tu viennes me rendre visite.

J'eus un sursaut aussi, enfin quand il eut à moitié sortit son arme. Je ne m'y attendais pas, mais alors là pas du tout. Il avait du être si concentré qu'il n'avais pas du me reconnaitre sur le coup, et s'être senti... Menacé ? J'avoue que c'est sa réaction après qui m'avait empêcher de détaller en courant comme un lièvre apeuré. Il avait été étonné, surement en me reconnaissant, et avait ranger son arme. Il se souvenait même de mon surnom ! Ça alors !

- Je vois ça, c'est vrai qu'il se fait tard aussi, et ça fait longtemps aussi. Désolée de te déranger, je... je pourrais repasser à un autre moment si tu veux, y a pas de soucis

En faite, j'avais carrément la frousse de ressortir dehors, mais ça je n'allais pas le dire. Et c'était bien parce que j'avais la frousse justement que j'étais venue. En même temps, je me demandais comment il réagirait... Bah, tant que je ne le dis pas, je ne risque pas de le savoir...

- En faite euh, j'étais venue pour.... Enfin j'aurais voulus savoir... Tu sais te battre toi non ? oui. Tu voudrais bien m'apprendre ?

Mais qu'est-ce que j'étais partie lui demander encore ? Je réalisai l'absurdité de ma demande. A la fin il va me prendre pour une vrai emmerdeuse...

- Oui, oui, je sais vas-y moques toi. Une petite gringalette qui veut se battre c'est ridicule. Ah. Ah. Absurde, hein, oui, je sais.

[ hrp : raaah, c'est Hicks avec un s et pas mr hicks (dans ta feuille perso) ^^ ]

Basil l'observait sans dire un mot, quasiment sans bouger. Les reflets des flammes dans ses yeux noirs lui donnaient un air involontairement menaçant, renforcé par le fait qu'il la fixait. Mais c'est d'une voix douce qu'il lui répondit.

Tu ne me déranges pas. Comme tu vois, je suis seul.

Et il valait mieux. Il aurait été beaucoup plus mal à l'aise si elle était venue lui rendre visite de jour, lorsque son maître était là. Basil n'avait pas interrogé le forgeron sur son avis à propos des nalamis, mais il était humain, et il y avait des chances pour qu'il n'apprécie pas que son apprenti fréquente une semi-chat.
La question de Nayu lui fit froncer les sourcils. Il ne s'était pas du tout attendu à ce genre de demande. Comment aurait-il pu le prévoir ?
Mais qu'avaient donc tous ces gens à lui demander s'il pouvait combattre ? Il devait vraiment se préparer quelque chose. La semi-nalamie ne semblait pas plus sûre d'elle que la première fois qu'il l'avait vue, quant à lui il ne savait comment lui répondre. Il préféra répondre à sa question par une autre question.

Pourquoi me demander ça à moi ?

[ oups, c'était un oublie involontaire =O ]

Pourquoi ? Oh non, il aurait put simplement me dire oui ou non, ça aurait été plus simple pour moi. En plus j'avais remarqué son froncement de sourcils, visiblement il n'avait pas vraiment envie. Mais je ne m'attendais pas à ce qu'il me le demande, même si j'aurais du, c'est logique, mais voilà du coup je me sentais encore plus mal à l'aise.

- Eh bien euh c'est à dire que... Enfin, je ne connais pas grand monde et.. je sais pas, j'ai pensé à toi, comme.. comme tu es forgeron, tu dois bien, connaitre les.. armes enfin, hum, voilà.. Et puis... " Je tendis timidement la main vers son épée rangée " T'en as bien une alors... c'est que, je, me trompe pas ..

Je ne savais décidément plus où je mettre et je passai la main nerveusement dans les cheveux, admirant le sol ou tout ce qui avait autour de lui, mais tout sauf croiser son regard. J'espérais aussi qu'il ne me jette pas dehors. Plus de temps je passerais en "sécurité" et mieux je me porterais. Si je pouvais reculer le moment de sortir le plus possible ça serait bien...

Il la fixa encore un bon moment, restant obstinément silencieux. Il cherchait en fait la meilleure façon de lui répondre, sans trop lui mentir, sans la vexer, et sans lui faire peur. C'était donc assez compliqué.
Il finit par s'éloigner quelques instants du feu pour aller chercher un petit tabouret tout simple en bois brut, qu'il lui apporta.

Assieds-toi. Tu te sentiras plus à l'aise.

Puis il alla verrouiller la porte de la forge, afin de s'assurer qu'ils ne seraient pas dérangés. Il revint ensuite près de son feu, jeta un coup d'œil à ses scalpels qui fondaient doucement mais sûrement, et se décida enfin à répondre à la question.

Ce n'est pas parce que je forge des instruments de mort que je sais les manier à la perfection.
La mienne...

Il posa instinctivement sa main sur le fourreau, comme un geste pour protéger son épée.

La mienne me sert surtout à me défendre s'il en est besoin, mais je ne l'utilise plus pour attaquer depuis... quelques temps.
Pourquoi... pourquoi une jeune fille comme toi veut-elle apprendre à se servir des armes ?

Il restait silencieux. Ce me rendait encore plus nerveuse, et cette fois je me mordais les lèvres, le regard cherchant visiblement et désespérément une trappe ou quelque chose du genre où me cacher. Et puis il s'est décidé à bouger, amenant un tabouret et m'invitant à m'y assoir. Sans rechigner, je fis ce qu'il dit. J'attendis patiemment qu'il revienne, et me réponde. Finalement, j'osai relever un peu le regard alors qu'il s'expliquait mais je le baissai aussitôt quand il posa la question que je redoutais, même si inévitable pourtant.

- Tu m'as bien regardée ? " Marmonnai-je. Je sentis mes yeux s'embuer légèrement mais pas question que je craque. Je refusai catégoriquement qu'il ait pitié de moi. Et j'ai ma fierté tout de même. " Toi ça ne te dérange peut être pas mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Loin de là...

Je n'osai toujours pas le regarder en face, affronter son regard et c'était plus facile de fixer un point invisible pour m'expliquer, et sans trop hésiter.

- Je pourrais très bien partir, je l'ai souvent envisagé mais à quoi bon, c'est partout pareille. En faite j'ai juste la frousse... Je reste toujours dans la foule, je ne sort jamais ou presque, et rien que de penser que je devrais sortir un peu plus tard là en pleine nuit me paralyse d'avance... Je suis peut être folle, mais je n'échapperais pas éternellement à ces dérangés par une simple chance. Si au moins je pouvais me défendre...

Je relevai les yeux, plantant mon regard dans le sien d'un air quelque peu déstabilisant car surement dur.

- Si tu savais comme j'envie ces nalamis, qui peuvent se cacher, faire leur vie pépère sans qu'on se doute de rien. C'est vrai quoi, on ne peut rien leur faire puisqu'on croit tout bêtement que ce sont des humains, comme tout le monde ! Et après on s'amuse à faire des moitié de choses qui ne sont destinées qu'à être des montres, qui n'ont pas le choix.

Me calmer, me calmer... Oui, ça aurait été bien que je me calme maintenant. Là je déversais à moitié la rage que j'avais contre ma mère, alors qu'il n'avait rien demandé le pauvre...

- Pardon... je ne voulais pas crier..

Basil fixa les oreilles de chat bien visibles qui passaient au travers des cheveux de la semi-nalamie, et écouta sa plainte. Il se sentit gêné quand elle parla de ces nalamis qui pouvaient facilement se cacher, et qu'elle enviait tant... Si elle apprenait qu'il faisait partie de ces "planqués", comment réagirait-elle ?
Il l'écouta, la laissa se calmer sans rien dire, laissa le silence s'installer un peu pour qu'elle puisse maîtriser sa colère, et il finit par répondre, détournant de nouveau son regard vers le chaudron :

Tu n'es pas un monstre. Tu n'y peux rien. Mais aller tuer des humains sur leur territoire n'est pas vraiment une bonne solution, même s'ils tentent de t'attaquer.
Tu pourrais partir oui. Il existe des terres pour les nalamis. Ou tu pourrais te cacher toi aussi, dissimuler tes oreilles, ta queue. Essayer de vivre comme un humain. Mais tu ne le seras pas pour autant.

Il ne lui donnait pas vraiment de solution, et ses paroles n'étaient pas vraiment faites pour la rassurer, il en avait conscience. Mais il ne voyait pas ce qu'il pouvait lui dire, se sentant très mal placé pour la conseiller.

J'écarquillai les yeux, surprise et assez affolée en même temps. Limite paniquai. Aussitôt je me mis à bredouiller, bafouiller, m'agitant, mal à l'aise. D'un côté je me demandais si je ne l'avais pas déjà fait... Mais puisque je n'avais jamais osé vérifier, ça n'en était pas si sur. En tout cas, ce mot "tuer" m'affolai complètement.

- Tuer.. A...Ah mais.. Mais non enfin je.. Je ne pensais pas du tout.. A ça... Je, c'est pas, c'est pas.. pas pour ça que je euh...

Je baissai la tête, puis après quelques secondes de réflexion je la levai à nouveau, un peu comme si j'avais repris de l'assurance.

- Je pourrais vraiment me cacher moi aussi ? C'est vraiment possible ça ? Et comment, tu... T'as une idée ? Je ne vois vraiment pas comment...

Soupire. Oui, car en faite c'était l'idée qui semblait être la mieux mais, je ne voyais vraiment pas comment. Et partir... Je ne me sentais pas vraiment prête à partir où que ce soit, pas toute seule et pas maintenant.

La jeune semie recommença à s'agiter de façon étrange, elle semblait... en proie à la panique. Elle bredouilla dans une phrase à peine compréhensible qu'elle ne songeait pas à tuer des humains... A sa façon de parler de meurtre, Basil pensa qu'elle n'avait jamais dû voir personne se faire tuer. Ou qu'au contraire, elle avait eu un traumatisme à ce sujet. En tout cas, cela semblait la toucher particulièrement.
Il attrapa un pichet sur l'établi, prit un godet en bois, et servit un verre d'eau qu'il posa à côté d'elle.

Si tu as soif... Ce n'est de l'eau, mais ça rafraîchit.

* Ça rafraîchit et calme les esprits... *

Il retourna devant son chaudron, prit une sorte de grande louche et l'y plongea. Les lames d'acier n'étaient pas encore assez fondues. Il devait surveiller de près, il n'avait pas assez de matière première pour un second essai.

Il suffit que tu aies l'apparence d'un humain pour que tout le monde pense que tu en es un. Une.

Il eut une grimace, fermant les yeux un instant comme s'il avait fait une gaffe. Mais il se reprit immédiatement, espérant qu'avec le visage penché vers le chaudron, Nayumi n'aurait pas remarqué sa mimique.

Si tu ne peux pas faire disparaître tes oreilles et ta queue, il faudrait que tu les caches. Sous un chapeau, sous une cape. Mais le mieux serait que tu apprennes à les "rentrer", à te transformer totalement en humaine.

Je baissai le regard verre le verre d'eau qu'il venait de poser, le prenant presque aussitôt pour y boire quelques gorgées. C'est vrai que j'avais assez soif, la gorge un peu sèche aussi d'ailleurs. Le reposant, je relevai les yeux.

- Merci.

Il bougea, revenant à son chaudron pour effectuer une surveillance de son travail. J'observai sans dire un mot. Je n'y comprenais pas grand chose là dedans, voir rien du tout, mais ça ne m'empêchait pas de trouver qu'il était doué dans son domaine. Un peu absorbée dans ma contemplation je n'avais pas fait immédiatement attention à ses paroles, les entendant sans y mettre un sens immédiatement. Mais quelques secondes plus tard je me redressai brusquement.

- Heiiin ?! Je peux apprendre à faire ça ?! Comment ?

J'eus un geste plutôt comique, posant mes mains sur les oreilles comme si en les retirant elles allaient disparaitre. Et puis je m'aperçus que dans mon élan je m'étais retrouvée debout. Retrouvant contenance je revins m'assoir, plus calme.

- Au faite, tu t'es fais mal ?... tout à l'heure tu as grimacé.

Niet. J'avais un bonne vue, par contre je n'avais même pas fait le lien.

Basil plongea de nouveau la louche dans le chaudron, le métal était presque prêt. Il ne répondit pas tout de suite à la question, marmonnant un "attends" et il se dirigea d'un pas rapide dans une remise derrière l'atelier, où il récupéra une sorte de moule en métal, de forme rectangulaire. Il donna quelques coups de marteau bien placés sur les petits côtés pour donner au moule une forme incurvée, puis il retourna vers le chaudron.

Encore quelques instants...

Il se parlait à lui-même, absorbé par son travail. Puis il répondit à Nayumi, sans toutefois détourner son regard du chaudron.

Excuse-moi, je dois surveiller ça, une commande que je ne voudrais pas rater.
Je ne sais pas comment on fait, mais je sais que ça se fait. Je ne pense pas être la personne la mieux placée pour te conseiller, tu devrais peut-être en parler à tes parents.

Sur ces derniers mots, il attrapa le chaudron par l'anse et le souleva. Vu comme ses muscles se contractèrent, il devait être lourd. Il prit au passage un gros morceau de tissu pour pouvoir basculer le fond du chaudron sans se brûler, et il déversa le métal bouillant dans le moule, ce qui produisit beaucoup de fumée, et un grand bruit genre "pssssssccchhhh".
Il n'avait pas du tout répondu à la question sur la grimace, mais vu comme il était occupé, il était difficile de savoir si c'était volontaire, ou s'il avait simplement oublié.

Difficile pour moi d'attendre bien sagement, je le suivais du regard comme patiente mais je trépignais plutôt qu'il termine. D'ailleurs je n'avais pas réalisé qu'il ne pourrais pas en effet répondre à ma question s'il n'était qu'humain, mais dans le moment tout ce qu'il m'était venue était une juste une lueur d'espoir. Et à présent donc je patientais. Il semblait réellement absorbé dans son travail que je crus un moment qu'il m'avait oubliée, mais il éleva à nouveau la voix, le regard rivé sur son précieux chaudron. Au moins il me répondit, hochai la tête, compréhensive, si c'était important... en revanche je me rappelai aussitôt qu'il ne pourrait pas vraiment m'aider là-dessus.

A l'évocation de mes parents j'eus une grimace, me mordant nerveusement la lèvre. bien sur il ne le vit pas, toujours tout à son travail. Mes parents... C'était logique mais pas question pour moi d'y retourner. Si j'appréciais mon père, mais mère c'était toute une autre affaire. Je soupirai.

- Ah, mes parents. Ça fait des années que je ne les ai pas revus, et grand bien m'en fasse. C'est sur que ma mère pourrais me le dire... si elle voudrait bien s'en donner la peine vu comme elle me méprise.

Je me passai la main dans les cheveux, d'un air embêtée.

- Enfin bon, merci quand même... " je jetai un regard au dehors, déglutissant " Je vais y aller et te laisser travailler.

Sur ceux, je me relevai.
Ça ne m'avais rien apporté de plus, mais sa compagnie était agréable, j'étais tout de même ravie de l'avoir revu.

Basil attrapa un outil à bout tranchant, et commença à graver des lettres dans le métal qui durcissait mais était encore malléable. A-S-C-E-N-K...
Il s'arrêta quelques instants quand Nayumi se leva et annonça son intention de partir. Il regarda successivement, et plusieurs fois, Nayumi puis sa plaque de métal, comme en proie à un dilemme. Il n'était pas rassuré de la laisser partir en pleine nuit, surtout si elle avait peur qu'on la traque, mais en même temps s'il laissait son travail de côté, il ne pourrait plus graver l'inscription sur la plaque aussi aisément lorsque le métal serait complètement refroidi. Il exprima sa pensée à haute voix, de son habituel air gêné :

J'aurais voulu... te raccompagner... par rapport au danger tout ça, mais... je dois finir ça maintenant, et... désolé...

Il aurait voulu avoir le courage de lui proposer d'attendre qu'il ait fini son travail, mais il était trop timide, trop renfermé sur lui-même encore pour pouvoir faire une telle proposition. Il attendait donc la réaction de la nalamie.

J'allais pour lui répondre quand mon regard passa par hasard sur la fameuse plaque. J'ouvris la bouche en une exclamation muette, surprise. Il n'y avait pas le nom complet mais je ne pouvais absolument pas me tromper ( si je n'avais pas vraiment réussi à me rappeler du nom complet dans son exactitude, car il est quand même assez... complexe, le voir me fit un déclic ). Non pas de doutes, ce nom correspondait bel et bien à ce drôle de petit elfe noir.

Je lâchai une exclamation, achevant la fin du mot gravé.

- ... KORII ?!

Aussitôt je portai la main à la bouche, remarquant que j'avais peut être un peu trop élevé le ton. Me passant la main dans les cheveux d'un air gêné, et me mordant la lèvre inférieur par le même coup, je finis par reprendre la parole pour expliquer mon comportement.

- Désolée. C'est juste que je le connais, ça m'a étonnée.
C'est dingue ce que le monde est petit décidément " Ajoutai-je avec un petit rire.

Je trouvais maintenant un certain intérêt au travail de Basil, me demandant soudain ce que ce pouvait bien être et à quoi servirait ce métal pour ce drôle de médecin. Peut être que je pourrais rester un peu plus finalement, histoire d'en apprendre plus. Curiosité, curiosité ! Me creusant un peu la tête je me rappelais qu'il avait évoqué lors de notre rencontre qu'il cherchait un coin où s'établir, le temps ayant passé depuis je pouvais me douter aisément qu'il avait du trouvé un chez-soi.

- Dis-moi, c'est pour son commerce, non ?

Ce n'est pas exactement à cette réaction qu'il s'était attendu. Au début il ne comprit pas de quoi elle parlait, la syllabe "korii" isolée ne signifiant rien de connu. Puis, voyant son regard sur sa plaque de travail, il comprit qu'elle complétait le nom du petit drow qu'il avait rencontré, et pour qui il travaillait actuellement. Nayumi expliqua alors qu'elle le connaissait, et lui demanda si la plaque était pour son commerce.

Son... commerce ?

Il fut étonné par le terme. Un commerce était en général un lieu où l'on vendait des produits, des produits matériels, et ce n'était pas exactement le projet de l'elfe noir, d'après ce que Basil avait comprit. Il ne s'expliqua pas plus cependant, attendant les explications de la nalamie, de peur de faire une boulette en révélant éventuellement des choses qu'elle ne devait pas savoir. Il recommença à graver la plaque, ajoutant effectivement un K, puis un O, un R...

Tu... le connais depuis longtemps ?

Commerce n'était visiblement pas le bon mot, mais je ne savais pas vraiment comment l'expliquer autrement. Il y eu un petit blanc, car je cherchais mes mot. Comment définir le lieu de travail ce métier ? C'est que je ne m'y connaissais pas vraiment. Il me sortis de mes pensées en me questionnant à nouveau, cette fois je ne perdis pas de temps à rêvasser, lui répondant directement.

- Eh bien longtemps ?.... mhh oui ça fait un moment, mais il est dur à trouver d'ailleurs. C'est vrai que "commerce" c'est pas vraiment ça, vu son métier.... Mais je sais pas trop comment dire ça, enfin bon je le connais... vite fait on va dire, disons qu'on s'est connus par hasard je lui ai rendu service, et vis-versa on à un peu parlé et... voilà quoi !

Sur ceux je décidai de me rassoir. Je n'allais certainement pas rester trop longtemps, mais du moins il peu. Alors autant ne pas rester bêtement debout. Et puis il me vint à l'esprit de savoir où résidait désormais ce drôle de petit elfe noir, espérant qu'il s'était installé dans un coin agréable plutôt que dans un taudis en ruine. Je ne pense pas me tromper en disant qu'il en serait bien capable.

- Dis... Sais-tu où il s'est installé ? enfin oui, je suppose vu que ça c'est pas pour rien " désignant la plaque

Basil profita du silence de la nalamie pour finir d'inscrire le nom du drow, et il commença une phrase en caractères plus petits en dessous, mais s'arrêta lorsqu'elle lui répondit.

Hum, c'est un peu comme moi.

Il ne s'étala pas dans sa réponse car après tout elle ne lui avait rien demandé, mais elle ne semblait pas le connaître beaucoup plus que lui. C'était le même genre d'histoire pour lui, le drow lui avait rendu service, il faisait de même en échange, et ils avaient échangé quelques mots, sans plus.

Il est à Ra'Sibe ! Je prépare cette plaque pour son établissement. D'ailleurs excuse-moi, mais le métal durcit, et je dois terminer vite la gravure. Si tu veux bien attendre un peu, je n'en ai pas pour long.

Sans attendre sa permission, il se remit au travail. Après avoir gravé le nom du drow en grosses lettres capitales, il entreprit d'écrire en dessous, en plus petit et dans une typographie plus ronde : "soigneur de vos maux et douleurs". Une fois ce travail fini, il perça deux trous en haut de la plaque, et y fixa deux petites chaînes qui traînaient sur un établi. Puis il souleva la plaque, et la montra à la nalamie.

Je pense que c'est fini. Tu... comment tu la trouves ?

Je gardais un silence olympien en attendant qu'il achève la plaque. Je me penchais légèrement en avant pour mieux voir son travail. C'était passionnant de voir avec quelle précision il s'y prenait et surtout de voir à quel point ce travail le prenait à cœur. Étais-je aussi passionnée par mon boulot, moi ? Non, certainement pas, il s'agissait plutôt d'une nécessitée... J'eus comme un sentiment de jalousie, mais il ne dura pas bien longtemps. Le forgeron me brandit bien vite la plaque sous le nez en me demandant mon avis là-dessus.

- Euh, ben je trouve que c'est très bien. " Bredouillai-je avant d'ajouter, après avoir observer attentivement ce qui était pour moi un chef-d'oeuvre, un sincère : " tu fais du bon boulot, c'est parfait ! Je suis sure que ça lui plaira.

Je me tu un moment, me plongeant dans mes pensées comme souvent. Tout un tas de pensées me traversèrent l'esprit alors que j'observais mon interlocuteur. Une personne bien attachante. De par son côté timide, ou peut être parce qu'il semblait vraiment à part. Mais pourrais-je déjà prétendre à ce que l'on soit amis ? Pas vraiment, ce n'est pas comme si nous nous connaissions depuis longtemps...

- Tu dois bien aimer ton travail, non ?

Je l'avais dit à titre de conversation autant que par réel intérêt.

Basil esquissa un sourire, il était content que la plaque plaise à la nalamie. Ce qui, s'il prenait le temps d'y réfléchir, était étrange, puisqu'elle ne lui était pas destinée.
Il posa la plaque sur une étagère grossière, puis alla tremper ses mains dans une bassine d'eau : à manipuler le métal, il avait les mains un peu noires.

Je lui porterai demain, il est trop tard ce soir.

Puis la nalamie lui demanda s'il aimait son travail. Ayant fini de se laver les mains, il s'assit sur une chaise pour se reposer un peu, et il s'épongea son front brillant de sueur. Avec sa tunique il avait très chaud dans cette fournaise, mais il ne la quittait quasiment jamais.

Oui. Ça me fait du bien d'être ici. L'impression d'être utile, et puis ça n'a rien à voir avec ce que je faisais avant... C'est bien pour oublier le passé.

Était-ce dû à la fatigue qui fait que l'on ne fait plus assez attention à ce que l'on dit, ou au fait que la nalamie le mettait en confiance, en tout cas il venait pour la première fois de s'ouvrir à elle, même si ses paroles restaient énigmatiques.

Je ne savais pas très que répondre, comment réagir à sa déclaration. Sans vraiment s'expliquer il s'était en quelque sorte livré à moi sur un sujet qui visiblement sensible. Oh je ne savais pas vraiment de quoi il pouvait bien parler. Que c'était-il passé dans son passé qu'il veuille oublier ? Et que faisait-il avant ? Des questions que me curiosité m'auraient bien poussée à demander mais je craignait d'être impolie et qu'il se renferme aussitôt.

Au lieu de lui répondre je restai un moment à le fixer, qui s'était enfin assit lui aussi. Je remarquai qu'il portait la même tunique qu'à la taverne, sans doute y tenait-il particulièrement. Pourquoi ? Ça restait une énigme, mais là non plus je n'allais pas faire de commentaire, la dernière fois alors que je complimentait la tunique il avait semblé mal à l'aise. Une autre énigme en faite. Il me fallut un moment avant de briser le silence qui s'était installé, ayant auparavant chercher les mots justes.

- C'est vrai, parfois il faut laisser le passé de côté et aller de l'avant, ça ne peut être que mieux. "

Par la suite, je repris, assez songeusement quelques mots sans trop savoir si je me parlais à moi-même ou au forgeron, ni même quelle réaction je comptais récolter.

"On dit que parler pour se décharger d'un poids est bénéfique, encore faut-il avoir une oreille pour nous écouter mais s'éloigner de ce poids tout simplement vaut peut être certainement mieux...

"Il faut parfois laisser le passé de côté"... Mais parfois c'était le passé lui-même qui te laissait de côté, et te forçait à l'exil et à l'oubli... Voilà ce que pensa Basil, même s'il n'en dit rien. Tout en restant assis, il attrapa sur la table près de lui un grand broc d'eau et se le versa directement dans la bouche, sans prendre la peine de trouver une choppe. Une partie se vida bien sûr sur son visage, mais cela lui faisait du bien, c'était rafraichissant.
Quand la nalamie annonça la théorie sur les bienfaits de la confidence de ses malheurs, Basil répondit :

Toutes les vérités ne sont pas bonnes à entendre... Je ne suis pas sûr non plus que se confier complètement soit une bonne chose.
Mais bon !

Il se releva, comme sous l'impulsion d'une soudaine motivation.

Il est trop tard pour la philosophie, et il faut que j'aille dormir...

J'ouvris la bouche. Pour la refermer aussitôt. Que répondre à ça ? En tout cas je compris qu'il devait s'agir d'une souvenir plus dur que ce que j'aurais pu imaginer. Ce ne devait pas être qu'une impression. Mais tant pis pour les réflexions, je n'eus ni le temps de répondre ni l'envie, car comme venait juste de souligner le forgeron... Il se faisait vraiment tard.
Je levai le bras et l'ébouriffai les yeux d'un air gêné, et une mimique plutôt ridicule selon moi.

- Ah, euh, oui c'est vrai qu'il est tard... Bon ben je vais te laisser, hein, ha ha, à la prochaine

Je me relevai, et en reculant je lui adressai un signe de main. Il ne me fallut pas bien longtemps pour atteindre la porte et l'ouvrir. J'ajoutai, avant de m'extirper hors de la forge, un bien pitoyable :

- Bonne nuit !

Basil bâilla sans retenue, il était vraiment crevé. Il n'eut même pas la force de réagir au départ de la nalamie, et la laissa faire sans rien ajouter. Ce ne fut que lorsqu'elle fut partie qu'il dit à son tour un "bonne nuit", un peu trop tard...
Il bâilla de nouveau, puis rassembla ses affaires et alla se coucher, pour une bonne nuit, courte, mais efficace...

[ hrp : fin du sujet ^^ ]

» Il fait sombre... [libre]

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