10 marsÿn 2848

Il faisait beau ce jour là. Les arbres étaient en fleurs, les nuages étaient cachés par ce soleil limpide et pur, signe annonciateur de beau temps pour la journée.

Zelenya célébra ses 10 ans et, pour fêter ça, elle demanda à sa maman si elle pouvait avoir exceptionnellement la permission de sortir dans les bois seule.

Sa petite bouche pulpeuse et ronde lui attirait toutes les faveurs de sa mère. Son visage joviale lui donnait l’air d’une poupée à qui on ne pouvait rien refuser.

Je suis grande tu sais, maman, je suis sure de pouvoir y aller !

Sa mère, à bout d’arguments, la poussa vers dehors en lui intimant l’ordre de revenir avant la nuit. Le chevelure blanche argentée de la maman brilla au soleil et Zelenya ne put s’empêcher de crier en partant :

Tu es la plus belle des maman tu sais ! Je t’aime…

Eva rit, elle chérissait plus que tout au monde cette petite fille qui venait de son ventre. D’ailleurs elle ne pouvait la renier tant elles se ressemblaient.

quand la lune passe dans tes yeux… tu me parais en colère… Mais quand le soleil joue avec tes cheveux… La lumière me rend fière… Ma maman si belle… Ma maman si jolie… Ma…

Eva sourit, Zelenya était trop loin pour qu’elle puisse l’entendre maintenant.
Ses yeux se plissèrent, un nuage très noir venait d’apparaître au dessus de sa tête, elle se demanda si sa petite fille serait bien couverte. Ils vivaient près de la forêt d’Aldarion et Eva savait que Zelenya ne pourrait pas vivre en ville tellement elle affectionnait ces bois.

Pendant ce temps, Zelenya courait à perdre haleine.
Elle était presque arrivée à la rivière quand elle trébucha sur une branche au sol. Elle s’était écorchée la jambe qui saignait. Elle pleura un court instant puis se rappela ce que sa maman faisait dans ces cas là *un peu d’eau et ça ira mieux*

Elle trempa sa jambe dans la rivière et, subitement, une chose exceptionnelle se produisit. Zelenya sentit une douce chaleur se propager dans ses mains, elle les apposa sur sa jambe, par reflexe. Sa blessure commença à disparaître. Choquée, la petite fille les retira et regarda ses mains. Elles étaient comme d’habitude. Elle était fatiguée. Elle remit ses mains sur sa jambe et sa blessure fut guérie totalement.
Néanmoins, Zelenya s’évanouit.

Le temps était superbe, les affaires allaient bien. Sur le dos d'un cheval qu'on lui avait prêté pour rejoindre la prochaine ville sur son parcours, Oliana admira le paysage. Évoluant entre les arbres, le soleil ne parvenait que très difficilement jusqu'à elle, et la lumière produite prenait alors une douce teinte verte qui colorait sa peau. Cette journée était très agréable, surtout qu'elle ne recevait pas les rayons du soleil directement.
Bon surtout ne te presses pas hein !, dit-elle avec douceur. J'ai toute ma journée !
Aucune réaction de la part du cheval, et Oliana poussa un soupir de consternation. Ces chevaux étaient décidément des bêtes bien singulières, et elle n'avait jamais réussi à entretenir de proximité avec aucun d'eux. Celui-ci plus particulièrement, était aussi têtu qu'une mule. Et si elle lui parlait, c'était simplement pour avoir l'impression d'avoir de la compagnie, ce qu'elle n'avait jamais, bien entendu.
Si elle se trouvait à aller de ville en ville en ce moment, c'était à cause d'un travail d'éclaireur qu'elle avait accepté la semaine dernière et qui l'entrainait à présent sur les traces de convoyeurs et de caravaniers en tout genre. Sa prochaine étape ne se situait qu'à quelques kilomètres. Et si elle travaillait en ce moment, malgré son aversion naturelle pour la civilisation, c'était parce qu'elle n'avait vraiment plus d'argent en poche.

Sa route fut longue et malgré le fait qu'elle se trouve en terres elfiques, elle savait qu'elle ne pouvait pas s'arrêter. Sa mémoire, obstinément retranchée dans les méandres de son esprit, refusait toujours de cracher le moindre souvenir. Elle aurait peut-être pu espérer les voir refaire surface si elle s'enfonçait un peu plus dans la forêt, mais son emploi du temps ne le lui permettait pas. Et puis il fallait ajouter à cela le fait qu'elle avait peur de retrouver les terres de son passé. Peur d'une part parce qu'elle se demandait ce qu'elle allait trouver sur sa vie d'avant, d'autre part parce qu'elle s'inquiétait de ne rien découvrir du tout... Et la deuxième hypothèse était certainement la pire.
En peu de temps le ciel se couvrit. De gros nuages noirs comme la nuit s'amoncelèrent au-dessus de la cîme des arbres, de plus en plus menaçants.
Bon finalement tu sais quoi ? Oublie vite ce que que j'ai dit. Fini de traîner, il va pleuvoir !
Une nouvelle fois le cheval resta indifférent.
*Je vois... C'est toujours sympathique de se sentir écoutée !*
Elle talonna néamoins sa monture qui avança plus rapidement. Un bruissement lui parvint alors d'entre les arbres. Sa visibilité continuait de s'amenuire, mais son ouïe lui suffit à reconnaître le bruit d'une rivière qui coulait non loin. Elle décida de poursuivre son chemin plus près de ce cours d'eau et l'aperçut rapidement. Les reflets de l'eau l'appaisaient profondèment, lui faisant oublier un temps sa mémoire défaillante.
Toutefois quelques mètres à peine après qu'elle ait décidé de longer la rivière elle distingua la silhouette d'une jeune fille au bord de l'eau.
*Que fait-elle dehors par ce temps ?*
Mais alors qu'elle s'approchait, la jeune fille tomba au sol et ne se releva pas. Oliana n'hésita pas et se précipita, alarmée. Elle descendit de cheval le plus vite possible, sans même prendre le temps de l'attacher.
Petite ? Est-ce que tu vas bien ?
Oliana se pencha sur elle et vérifia rapidement qu'elle respirait toujours. Plus loin au nord un éclair retentit, aussi vif que la peur de l'elfe.

Oliana observa avec une stupeur croissante cette étonnante petite fille aux yeux violets. Elle possédait visiblement de puissants pouvoirs de régénération, même si elle ne les contrôlait pas encore puisqu'elle s'était évanouie. L'eau s'échappait de la rivière pour venir couler jusqu'à la cheville de la jeune fille, à l'intérieur de laquelle elle disparaissait. La magie de l'eau des acolytes... ancestrale. Il semblait que c'était celle-ci que la petite humaine utilisait. L'elfe allait l'interroger lorsqu'elle vit que ses yeux changeaient de couleur. Elle n'eut le temps de rien dire, la petite fille la devança. Voilà qu'elle lui demandait si l'eau de la rivière était magique... Qu'est-ce que cela pouvait vouloir dire ? N'avait-elle pas conscience de ses pouvoirs ?
Oliana réfléchit un court instant alors que l'orage retentissait plus loin, zébrant le ciel au travers des arbres. Que répondre à cette question ? Il fallait bien qu'elle lui explique qu'elle était douée pour la magie, et que cela n'avait pas de rapport avec l'eau. Pourtant elle ne savait pas comment s'y prendre. Elle-même détenait plusieurs pouvoirs, quoique modestes, et on avait bien dû le lui expliquer un jour. Sauf que voilà, elle ne se souvenait de rien. Son passé avait été rayé de sa mémoire depuis longtemps déjà.
*Oh je dois bien avoir un souvenir qui pourrait l'aider... Oui, bien sûr que j'en ai un.*

"Oliana avait sommeil, elle avait faim, elle avait soif, elle avait chaud.
Sous un soleil de plomb qui faisait jaûnire l'herbe au sol elle avançait depuis une éternité. Sa peau et ses yeux la faisaient terriblement souffrir. Il fallait impérativement qu'elle s'habrite du soleil ! Qu'elle trouve un endroit calme, à l'ombre, où elle aurait de quoi boire et de quoi manger... Son énergie s'évapora d'un seul coup et elle tomba à genoux sur le sol. La tête lui tournait, mais ce n'était plus à cause de la chaleur. Quelque chose "s'était échappé d'elle", elle n'avaient pas d'autres mots pour décrire cette impression.
*Une autre perte de mémoire ? Alors que je me suis réveillée il y a... une journée à peine ! Une journée à marcher n'est pas suffisante pour me voler mes souvenirs une seconde fois.*
Alors qu'est-ce qui avait disparu ? Seulement son énergie semblait-il, sans aucune raison. Et pourtant... Un contact frais sortit l'elfe de ses pensées. Elle se leva d'un bond, tendue comme un arc. Il n'y avait rien. Elle tourna plusieurs fois sur elle-même pour s'en assurer, c'est ainsi qu'elle entendit un "plop" caractéristique : elle avait les pieds dans une flaque d'eau, flaque d'eau qui s'alimentait de secondes en secondes par un minuscule ruisseau.
*C'est impossible, cette eau n'était pas là tout à l'heure... Et un ruisseau ne s'arrête pas ainsi, au milieu de nulle part.*
Toutefois l'occasion était trop belle pour qu'Oliana ne sache la saisir et elle s'aspergea le visage d'eau fraîche. Après quoi elle décida de remonter le ruisseau, qui devait certainement conduire à une source où elle pourrait boire autant qu'elle voudrait. Ses pas la menèrent loin, mais moins loin qu'elle ne le croyait. Elle finit par percevoir le clapotis de l'eau dans un creux du terrain. Le petit ruisseau qui était parvenu jusqu'à elle semblait gravir la pente qui l'en séparait, ce qui était absolument impossible ! Un ruisseau ne remonte pas les pentes.
Comme pour se le prouver, l'elfe se tourna dans la direction du petit cour d'eau qu'elle avait suivi. Mais là encore, la plus improbable des choses se produisit : la flaque était à nouveau à ses pieds, grossissant au fur et à mesure le ruisseau avait racourci, il s'arrêtait à la nouvelle flaque.
Oliana alla se rafraîchir. Ce n'est qu'alors qu'elle comprit ce qui lui arrivait. Elle avait demandé à boire, l'eau était venue à elle. Elle l'avait déplacée, pas de doute.*

Quand elle s'était rendue compte qu'elle possédait des pouvoirs, ç'avait été par elle-même. Peut-être valait-il mieux qu'il en soit également ainsi pour la petite humaine.
L'eau n'est pas magique, répondit-elle. En revanche c'est ce qu'on en fait qui est magique.
L'elfe se concentra et plusieurs litres d'eau se soulevèrent et se modulèrent, formant de petits oisaux translucides qui voletèrent paisiblement autour d'elles.
Tu vois ce que je veux dire ?
Oliana profita d'attendre une réponse pour détailler la petite fille à laquelle elle parlait. Ses cheveux argentés et ses jolis yeux verts lui donnaient un air angélique. L'elfe la fixa d'un regard doux, sourire aux lèvres. Pour elle qui n'aimait pas la compagnie en général, c'était assez étrange. Pourtant elle espérait pouvoir aider cette jeune inconnue à comprendre son don par elle-même.