13 Nowÿn

Voilà où mènent les errances. Elle s'était toujours dit qu'un jour elle verrait le Grand Océan, et bien c'était aujourd'hui chose faite. Oliana avait parcouru une grande distance ces deux derniers jours, ne dormant que très peu. Encore aujourd'hui, elle fuyait le sommeil comme la peste, et elle en profitait pour avancer à un rythme soutenu, évitant le souvenir qui hantait ses nuits. Rien ne pouvait la retenir nulle part de toute façon, alors autant venir jusqu'ici, même si cela n'avait pas vraiment été prémédité.

Elle observa les vagues se briser sur le littoral qui montait sur une falaise d'une dizaine de mètres à l'endroit où elle se trouvait. Le bruit provoquait un grand fracas dans le paysage et énerva Dan Liang, particulièrement sensible aux sons.

Ne t'en fais pas mon beau, le rassura l'elfe, ce n'est que de l'eau, et on ne s'en approchera pas trop.

L'elfe descendit de sa monture et fit le reste du chemin la séparant du bord en la tenant part la bride. Le cheval, à qui elle avait dit qu'ils ne s'approcheraient que peu, protesta avant de se calmer sous les caresses de sa maîtresse. Celle-ci avait les yeux perdus dans le vague, dans le bleu qui ressemblait tellement à celui de sa chevelure, de ses yeux, un bleu profond dans lequel elle se perdait. Elle était ici à la fin et au commencement des terres, cela était-il un signe ? Son cheval dressa les oreilles, la faisant se rendre compte de ses propos et se morigéner mentalement. Que pensait-elle exactement ? Un signe sur quoi ? Sur sa vie à elle ?

L'écume blanchissait la surface par endroit, une mousse qui l'attira irrésistiblement par sa légèreté. Avant de faire une bêtise, elle marcha donc plusieurs centaines de mètres jusqu'à se retrouver sur une plage de galets lisses. Les vagues de la marée montaient parfois jusqu'à elle. Pour ne pas avoir à mouiller ses chaussures, voulant se rapprocher un peu, elle se déchaussa et laissa l'eau qui venait lécher les galets tremper ses pieds. Elle était glacée. Sous le coup de ce froid soudain dans la chaleur de cet après-midi, elle partit en courant. Dan Liang hennit et prit peur à cause de son comportement. Et il était si irréfléchi, qu'une fois un peu plus loin, dévisageant son cheval, elle éclata de rire. Cela ne lui était pas arrivé depuis bien longtemps, aussi en profita-t-elle pour revenir vers l'étendue de l'océan et éclabousser Dan Liang qui comprit enfin qu'il n'y avait rien à craindre. Elle s'était trop avancée sur la rive et soudain une vague plus grosse que les autres la submergea jusqu'aux hanches. Le froid la saisit et elle se laissa pousser vers la plage de galet, attendant que la vague reflue. Elle se retrouva glacée sur les cailloux, et frissonna malgré la chaleur ambiante. Elle riait toujours.

Oliana revenait vers Dan Liang lorsque les senteurs d'une clairière en fleur remplassèrent l'odeur de l'air salé à ses narines. Elle stoppa net, son sourire s'effaçant aussitôt. Une autre vague vint la cueillir, plus forte quoique lui arrivant à peine au-dessus des genoux. L'elfe vacilla et chut sur les galets. Sa tête heurta le sol et elle perdit connaissance.

« L'air était doux. Les ramures des arbres à la cime invisible tant elle était haute formaient une coupole au-dessus de sa tête, au-dessus d'elle et d'une autre personne assise à ses côtés. Elle se tourna. C'était bien le semi de ses souvenirs. Allongé dans l'herbe, au milieu des fleurs il avait un papillon bleu posé sur sa chemise. Papillon qu'elle reconnut instantanément.

*Murmure. *

Oliana ne remarqua qu'à ce moment que, malgré le temps merveilleux et le cadre idyllique, elle était triste, très triste. Et à côté d'elle, le semi semblait l'être tout autant.

Donc, en résumé, tu t'en vas.

C'est bien ça.

Je sais bien que je te l'ai déjà dit mais ce dragon ne m'inspire pas confiance.

Peut-être, mais il y a une chose que, malgré le fait que je t'ais posé la question des centaines de fois, tu ne m'as pas dite. Pourquoi est-ce qu'il ne t'« inspire » pas confiance ?

Au premier regard, un nouvel arrivant pouvait penser que l'astmosphère était légère, mais en réalité elle était oppressante. Oliana se retenait tout juste de ne pas fondre en larme. Elle aurait voulu se précipiter dans les bras du semi mais savait déjà qu'il la rejetterait. Elle allait partir avec son ennemi juré, et cela, jamais il ne s'en remettrait vraiment, elle le savait. Seulement il refusait de lui dire pourquoi il lui était si antipathique. À chaque fois que tous deux se croisaient, il lui jetait un regard haineux auquel le dragon ne répondait jamais. Elle ne savait pourquoi il se montrait si offensif, alors qu'ils se connaissaient à peine, et que le dragon ne le provoquait même pas. De plus, il était en temps normal d'un tempérament calme et mesuré qui contrastait de plus en plus avec sa nouvelle attitude, trop vive, trop étrange.

Tu veux savoir pourquoi ?, argua-t-il alors qu'il se levait pour lui faire face. Tu veux vraiment savoir ? C'est faux car de toute façon tu ne m'écouteras pas ! Mais je vais te le dire tout de même, parce que j'en ai plus qu'assez de te voir faire les yeux doux à cet imbécile alors que tu ne sais même pas qui il est vraiment. Il se bat contre nous, tu vois ? C'est un guerrier, et il fait partie de ces hommes imbus de pouvoir qui nous ont attaqué à Ra'Sibe ! Tu ne t'en souviens pas n'est-ce pas ? Il portait une cape, le courageux, c'est normal ! Et dans la guerre, il éradique tous les nalamis ou semis-nalamis qu'il peut !

TU MENS ! Je ne te crois pas !

Désemparée, elle partit en courant. Elle n'avait jamais douté de lui, mais à présent c'était fini. Ce qu'il disait était affreusement faux, jamais l'homme qu'elle aimait n'aurait fait une chose pareille. Sans plus se retourner, Oliana rejoignit à grand pas la caravane qui attendait sa venue. Ils l'avaient attendue pour partir et elle allait quitter sans plus y penser cet endroit qui avait abrité sa jeunesse, pour ne plus jamais revenir. Une larme coula sur sa joue. »

Alors qu'elle se réveillait, elle sentit de l'eau sur son visage, mais ce n'était pas des larmes. Une nouvelle vague glacée la submergea et elle se releva, transie de froid. Dan Liang l'avait tirée tant bien que mal plus haut sur la berge, mais au moment où elle était tombée elle était allée trop loin pour qu'il puisse la ramener dans l'herbe. Perdue dans ses pensées comme trop souvent en ces temps, elle se rappela Murmure dans son souvenir, et se demanda quel rapport il pouvait bien avoir avec le semi.
Néanmoins ce n'était pas à cette heure ce qui devait la préoccuper. Sauf qu'elle avait perdu tout sens des priorités, et oublié par là même qu'il aurait mieux valu qu'elle se change avant d'attrapper mal plutôt que de penser. Dan Liang sur ses talons, elle retourna dans la prairie qui bordait le grand océan. Dans sa tête, un papillon bleu voletait au grès du vent.

Après plusieurs heures de marche à pieds, j'apercevais enfin le Grand Ocean dont j'avais tellement entendu parler. J'avais entendu beaucoup de rumeurs sur celui-ci et avais donc décidé de m'y rendre pour vérifier moi-même ... Je ne crois rien tant que je ne l'est pas vu de mes yeux, c'est une valeur que je trouve de plus en plus sûr au fil de mon périple.

Je marchais sur un petit sentier de terre battue, mes jambes commençais à fatiguer, il fallait que je m'arrête dans les plus bref délais. Mais je ne voulais pas m'arrêter n'importe où. J'étais à seulement à quelques mètres de la plage de galets, je voulais m'arrêter à cet endroit ! Je continuais à avancer malgré la douleur.

En m'avançant sur le chemin, j 'aperçu sur les galets un cheval et une jeune femme. J'accélera le pas pour arriver le plus vite. Je craignais qu'elle est besoin d'aide au plus vite. En arrivant sur le début de la plage, j'avais un peu de mal à avancer à cause des galets. C'était la première fois que je venais ici, je n'avais jamais marchais sur ces petits cailloux plats, et étrangement, je trouvais ça plaisant. Je vis que la jeune femme était trempée. D'après les rumeurs, le Grand Ocean était glacé. Si j'avais pu, j'aurais encore accélérer mais à cause du poids de ma boule de cristal, je ne pouvais pas sauf si je voulais me démolir l'épaule.
J'arrivais par derrière. La jeune femme ne se retourna pas malgré le bruit que je faisais. J'en venais donc à penser qu'elle devait penser profondément. Elle avait une magnifique et longue chevelure aux couleurs de la nuit. C'était la première que je voyais ça. En arrivant à sa hauteur, étant très maladroite, je trébucha. J' essaya de me rattraper en mettant ma main sur son épaule mais je tomba sur elle. Je me releva, maintenant aux cotés de la jeune femme et m'excusas au plus vite :

" Excusez-moi mademoiselle, j'ai trébuchée et je suis tombée sur vous ... Je venais me reposer sur cette plage et je vous ait aperçue. Vous êtes trempée jusqu'aux os ! L'eau est glacée, je me sècherais vite si j'étais à votre place... Vous avez besoin d'aide ? "

Je proposa mon aide même si je ne voyais pas vraiment ce que je pouvais faire pour elle ...

Quand la jeune femme détacha ses cheveux, je fut surprise par leur longueur. Ils étaient tellement beaux, tellement longs ... Je me demanda même si c'était vraiment possible. Je n'alla pas plus loin dans ma réflexion, car je me dis que de toute façon, je n'avais pas fini de voir des choses qui m'étaient inconnues au long de mon périple.

Je connaissais maintenant son nom, son prénom et qu'elle était une solitaire. Oliana affirmait que je ne pouvait rien pour elle. Je la regarda dans les yeux avec un air étonnée. J'étais voyante mais elle ne pouvait pas le deviner ... J'aurais pu le dire tout de suite mais je n'étais pas sûre que c'était de cette aide là dont elle avait besoin. Je décidas donc d'essayer de creuser un peu dans la recherche de l'aide qu'elle voulait. En effet, je ne voulais pas crier sur tout les toits que j'étais voyante ...

Je m'appelle Vilnya Olorin. Et je travaille dans ... dans ... dans les champs ! J'étais bien consciente que le métier que je venais de lui donnais n'était pas très crédible mais bon, je continua comme si de rien était ... Vous pouvez me dire de quelle aide vous avez besoin vous savez. J'ai beaucoup de connaissances et je pourrais peut être vous aider !

Je me rendais bien compte que je pouvais être pénible à insister sur l'aide dont elle avait besoin, mais j'avais besoin de savoir si mes dons de voyantes lui seraient utiles ! Je n'avais encore pu, depuis mon départ, que m'entrainer sur 2 ou 3 personnes. Il me fallait de l'expérience, et tout les moyens étaient bons !

Mes yeux pétillaient à l'idée de pouvoir enfin lire le passé ou l'avenir de quelqu'un sérieusement. Ce que je veux dire par sérieusement, c'est de ne pas lire la bonne aventure amoureuse de quelqu'un ... Lire l'horoscope, c'est pas mon truc !

[HRP : Voilà une réponse plus courte ]

La dénommée Vilnya insitstait, comme si elle était certaine de pouvoir l'aider. Or, Oliana savait que personne ne pouvait lui venir en aide, et ce pour une bonne raison. Ce dont elle avait besoin, c'était de retrouver la mémoire, donc à moins que cette jeune femme ne l'ait connu il y avait de cela plus de vingt-cinq ans (ce qui paraissait impossible puisqu'elle ne semblait avoir qu'une vingtaine d'années), ou qu'elle puisse remonter le temps (chose communément admise comme impossible), ou qu'elle soit voyante, ou... qu'elle ait accès par un quelconque autre moyen à ses souvenirs perdus, elle ne pourrait rien pour elle. Mais l'elfe ne lui en voulait pas d'insister. Après tout, qui aurait pu deviner, en la voyant ainsi, qu'elle était amnésique ? Ce n'était pas le genre de chose visible...
Comme souvent avant de répondre à une demande, Oliana prit le temps de réfléchir. Elle eut ainsi le temps de finir d'essorer ses cheveux et de les nouer à nouveau en chignon dont plusieurs mèches rebelles et humides s'échappaient. Son sourire était toujours plaqué sur son visage, mais elle ne savait s'il était encore purement véridique ou seulement une diversion. Elle le laissa fondre lentement, son regard rivé à l'océan qui étendait ses flots à l'horizon. L'elfe ne put s'empêcher de détailler la beauté de ces eaux sans fonds, comme s'il n'existait qu'elle, que la nouvelle venue avait brusquement disparu. Ce ne fut que par un grand effort de volonté qu'elle s'en détacha pour répondre à la jeune femme, sans pour autant détourner les yeux.

Et bien... euh... comment dire ? L'aide dont j'ai besoin ne peut être traduite par des mots. J'ai besoin... j'ai besoin de quelqu'un qui m'aide à retrouver mon intégrité, ma mémoire, ma vie d'avant. Enfin... cela ne doit pas être très clair pour vous. Disons que je vais plutôt vous parler de mon « problème » et vous pourrez alors juger de l'aide que je nécessite. J'ai... j'ai perdu... la mémoire il y a vingt-cinq ans. Je ne me souviens de rien concernant les 75 premières années de ma vie. Donc vous voyez... je crains que vous ne puissiez pas m'aider.

Elle avait parlé d'une voix heurtée qui ne lui était pas coutumière, et se sentait honteuse d'avoir encore à parler de sa perte de mémoire à quelqu'un. Elle aurait préféré avoir pu choisir un autre sujet de conversation, s'enquérir par exemple des nouvelles du monde. Sa compagne savait-elle où en étais la guerre qui s'annonçait imminente la dernière fois qu'elle était passée par Ra'Sibe ? Avait-elle croisé certains de ses compagnons de voyage ? Malheureusement elle devait se cantonner à parler de sa pauvre vie...
Un oiseau qu'elle ne reconnut pas passa au-dessus d'elles, jetant un cri étrange à l'étendue de sel et d'eau où se reflétait le soleil. Il faisait chaud à présent. La fraîcheur apportée par l'eau de l'océan s'estompait au fur et à mesure que s'égrennaient les minutes, alors qu'elle séchait sous les rayons du jour. Il s'établissait un contraste saisissant sur sa peau : d'un côté, le froid était encore présent dans son dos, et de l'autre la chaleur de l'astre dont la course l'avait mené devant elle lui prenait le corps, et particulièrement le visage. Comme toujours lorsque le soleil l'éblouissait, elle n'en laissa rien paraître, préférant ne pas aggraver son statut d'amnésique avec sa moindre résistance à la lumière.

Malgré le fait qu'elle se le cache autant qu'elle le pouvait, l'elfe espérait que son interlocutrice allait lui laisser entrevoir un miracle. Peut-être pourrait-elle l'aider à retrouver ses souvenirs ! Au fond, cela n'était pas non plus chose impossible...

Le soleil commençait à chauffer la plage. Les rayons étaient forts et m'éblouissaient et je mettais donc me main sur le côté de ma tête pour cacher mes yeux du soleil. Pendant un court moment, je regardais l'océan. Un beau spectacle m'étais offert là et je voulais en profiter ne serait-ce qu'un instant. Les rayons se reflétaient sur l'eau. J’eu un instant de remord. Si j'étais arrivée plus tôt, j'aurais pu admirer le couché de soleil, assise tranquillement sur les galets encore frais.

L'elfe me me répondit, ce qui me fis sortir de mes pensées. Elle affirmait que je ne pouvais rien pour elle, qu'elle avait perdu la mémoire. Quand j'entendis cela, mes yeux commençaient à briller. Enfin, je trouvais quelqu'un qui avait besoin des services d'une voyante ! Il fallait que je saute sur l'occasion. Je m'empressai donc de lui répondre.

Vous avez perdu la mémoire ?! Vous êtes tombée sur la bonne personne ! Je n'aime pas crier sur tout les toits que je suis voyante, nous sommes assez mal vu par certaines personnes ... Mais je vous le dit à vous, je peux vous aider !

Je ne savais si ça se voyait, mais j'étais complètement excitée à l'idée de pouvoir avoir de vraies visions intéressantes. Enfin, en espérant que cette elfe voulait bien que je farfouille dans sa tête ... On ne sait jamais se qu'on découvre.

Je marqua un temps de silence ... Puis je rajouta quelques précision à mes propos.

Mais ... Il faut que vous sachiez que si vous voulez vraiment de mon aide pour retrouver votre mémoire, je saurais tout autant que vous ce qui vous arrivé auparavant. Il n'y a aucune certitude à ce que j'arrive à retrouver tout ce que vous avez oublié. Je ne pourrais certainement que voir une partie de tout ça.

En effet, je ne pouvais pas la laisser espérer qu'elle allait retrouver l'intégralité de ses 75 premières années. J'allais surement lui laisser des doutes sur certaines parties ...

Les brusques paroles de la jeune femme la surprirent. Elle avait l'impression qu'elle parlait beaucoup plus vite que de raison. Mais bien qu'elle ne comprit pas grand chose à cette soudaine poussée d'enthousiasme, Oliana discerna une chose : Vilnya Olorin était une voyante. Toute son assurance feinte disparut alors d'un seul coup au profit d'un étonnement sans nom. Les yeux grands ouverts, la bouche en forme de « O » elle but une à une les paroles de sa voisine, comme si soudainement elles étaient devenues d'une importance capitale. D'un autre côté, pour l'elfe, c'était bien le cas ! Dan Liang le sentit et se mit à fixer la jeune femme d'un regard intense. C'était un regard lourd, et légèrement inquisiteur, qui semblait chercher à deviner les pensées de Vilnya, qui voulait s'assurer qu'elle ne décevrait pas sa maîtresse. Il ne savait que trop bien à quel point elle était fragile, et à quel point un faux espoir pourrait lui être dur à supporter.

L'elfe avait oublié le soleil. Sa brûlure sur son visage gênait toujours sa vision mais à cet instant elle ne lui servait plus du tout. Son esprit restait bloquée sur cette seule information : la voyance était son dernier recourt. Néanmoins, comme le disait Vilnya, elle ne pourrait certainement retrouver ses 75 années révolues. C'était compréhensible, mais ce fait lui brisait le coeur. Elle se rendait soudain compte que même grâce à la voyance, elle ne pourrait pas retrouver l'intégrité de sa vie d'avant. Le moindre détail lui semblait alors représenter sa vie entière.

*Non, je ne retrouverai jamais tout... À moins que... que les souvenirs que cette voyante arrive à me transmettre fasse revenir ma mémoire, et tous mes souvenirs ! *

Elle écouta avec encore plus d'attention la fin du discours, avant de faire le tri dans son esprit. Elle sentait qu'elle devait agir vite à présent, comme si la chance qui se présentait à elle risquait de disparaître. Son étonnement précédent se détériora donc en fébrilité, puis en détermination véritable. Oliana commença donc par fouiller son sac, et sortir une bourse en cuir du fond. Pendant qu'elle le vidait dans l'herbe devant la jeune femme, elle commença à lui répondre.

Je comprends que votre profession puisse en effrayer certains ! Ils ont peur de ce qu'elle reflète : l'inconnu. Les gens l'ont pour crainte principale, c'est comme la peur du noir. Ils aiment savoir sur quel terrain ils évoluent, y progresser les yeux bandés ne les intéressent pas ! Mais pour moi... vous êtes tout le contraire : un aubaine ! Je suis comme tous ces gens, et cela fait trop longtemps que j'évolue dans l'ombre d'Oliana Délyiss, mon plus superbe contraire, et ma plus grande unité. Il est grand temps que j'apprenne à la connaître, même un peu.

Elle n'avait pas fini de dire tout ce qu'elle voulait mais il lui fallait reprendre son souffle. La tête lui tournait brusquement. Pour reprendre ses esprits, elle ferma les yeux un court instant. Puis elle désigna l'argent qu'elle avait abandonné au sol.

Il fut un temps où j'avais peur de ce que j'allais trouver dans mon passé mais, grâce à des gens extraordinaires, je sais maintenant où est ma place et que je dois me tourner vers mon futur. Connaître la personne que je suis est la seule chose qu'il me manque à faire pour aller de l'avant. Et je donnerais tout ce que j'ai... sauf Dan Liang bien sûr (mon cheval), pour retrouver ma mémoire. Malheureusement pour vous, je n'ai pas grand chose. Acceptez simplement ces quelques cristalis et, si vos services nécessitent plus, je vous promets de vous les fournir sous peu.

À présent, Oliana espérait juste que ses pauvres économies suffiraient à la voyante.

Comment allez-vous procéder ?

Tout à coup, je n'étais plus aussi contente et exitée qu'au début ... J'étais en train de me rendre compte toute l'importance que je représentais pour Oliana. Si, dans un pur instant de malheur, j'échouais, la jeune femme serait vraiment déçue. Voir même au plus bas de son morale. La pression et le stress montait alors en moi ... En plus, je sentais bien le regard pesant de Dan Liang sur moi, ce qui ne m'aidais pas vraiment à décompresser ! Je ne pouvais pas me permettre que cette séance soit un échec ! J'essaya alors de me contrôler pour ne pas laisser transparaître toutes ses émotions. Pendant un court instant, j'évita de regarder l'elfe dans les yeux.

Tout ce que disait Oliana devait être vrai ... Les gens ont surement peur des voyantes pour cette raison. En écoutant tout son raisonnement, le stress disparut. J'étais soulagée, car c'est un facteur qui pouvait me faire échouer dans ma quête.

* Je dois réussir ! Je dois réussir ! ... Je vais réussir ! *

J'essayais de me persuader que j'allais y arriver. De toute façon, si je ne voulais pas lui faire de mal, je n'avais pas vraiment le choix !

Je regardais la jeune femme vidée sa petite bourse de cuir sur le sol. Les cristallis tombèrent par terre et faisaient un petit bruit de verre en rebondissant sur les galets. Il y en avait quelques uns. Mais bien assez pour me payer ! Je n'arrivais pas discernais combien il y en avait ...

Ne t'embête pas, il y en a bien assez ! Combien y en a t'il exactement ?

Oliana me demandais aussi comment j'allais procéder ... Ca c'est une question intelligente ! Même une très bonne question ... Mais je ne savais pas vraiment quoi répondre ... Je réfléchissais ... Comment lui expliquer ?! Je pris alors la décision de ne pas trop aller dans les précisions.

Comment je vais procéder ? Et bien ... Déjà il faut qu'on s'assoit quelque part ! Les galets feront l'affaire. Ensuite il faut que je me concentre ... Ce n'ai pas vraiment facile d'expliquer de se qui va se passer ensuite ... Ah, et j'oubliais ! Il faut que soit en contact avec toi bien sur ! Bref, en gros, je vais pénétrais dans tes souvenirs. J'espère qu'ils ne sont pas trop mauvais ! Sinon je vais en baver !, dis-je en rigolant, histoire de détendre un peu l'atmosphère.

Oliana semblait suspendue par un fil invisible, celui du destin peut-être, qui la maintenait immobile et un peu perdue, moins vive d'esprit que de coutume. En oubliant les circonstances, on aurait pu la croire superbement idiote, glacée de la sorte, ses yeux bleus perdus dans ceux de la voyante. Elle mit ainsi un moment à analyser la question qu'elle lui avait posé. Combien de cristallis ? C'est bel et bien une question pertinente... à laquelle elle se trouvait dans l'incapacité de répondre. L'argent au sol se mouvait-il ? Sa quantité changeait-elle alors qu'elle essayait de compter les cristaux ? Fort probable.

Prends tout, finit-elle par livrer, au bord de la confusion.

Elle en avait oublié le vouvoiement et ne s'en rendit pas compte. Il était vraisemblablement naturel de tutoyer une personne qui s'apprêtait (peut-être, si la chance lui venait enfin en aide, mais elle préférait oublier ce paramètre) à changer le cour de son existence. Plus d'incertitude, plus d'errance, un univers de possibilités qui s'offriraient dès lors à elle l'attendait. Frémissante, elle écouta ce que Vilnya disait, approuvait de la tête bêtement quand un passage du discours s'avérait miraculeusement compréhensible à son cerveau dépassé. Puis, l'elfe se releva pour se donner une contenance. Sa serviette qui l'entourait jusqu'alors glissa, libérant sa chevelure rendue lisse par le poids de l'eau, et les pans de sa robe collés tout contre elle. Sa peau avait beau être à présent tout à fait sèche, la chaleur n'avait pas réussi à venir à bout du reste des traces de la chute d'Oliana.

Dans sa tête tout allait très vite, bien que les idées peinassent à en sortir. Elle se saisit des mains de la voyante, abandonna là toutes ses affaires, et la tira à quelques mètres de là, sur les galets noirs et imbibés de chaleur. L'eau qui venait par intermittence submerger les plus éloignés ne suffisaient même pas à faire baisser leur température. L'elfe s'assit et ne bougea plus, malgré la douleur cuisante contre ses jambes. Elle n'avait pas lâché un seul instant la jeune demoiselle des yeux, comme de peur qu'elle réussisse à disparaître dans ce laps de temps. Sécurité supplémentaire, ses doigts froids ne se détachèrent pas de ceux de la voyante.

Dan Liang renâcla fortement. Il s'approcha des affaires de sa maîtresse qu'il huma ensuite en silence, hésitant à la rejoindre sur les galets. Mais il n'aimait pas ce terrain glissant où ses sabots avaient du mal à le maintenir, et il aimait encore moins les vagues qui s'y jetaient et avaient failli emporter l'elfe. Alors qu'il cherchait ainsi un peu de réconfort, désireux de se libérer de l'appréhension qui le tenaillait à cause de sa maîtresse, un frêle contact dernière ses oreilles lui fit relever la tête. Rien, ou peut-être une brise qui jouait avec sa crinière. Il allait rabaisser la tête au moment où une forme bleue se posa non loin de là sur un brin d'herbe.

Oliana se concentra et ferma la yeux. Se présentait à elle une porte dont elle devait choisir si elle désirait pleinement pousser le panneau. Le monde continuait autour d'elle, même si elle ne lui avait jamais accordé beaucoup d'importance face à cette porte. L'ouvrirait-elle ? Elle regarda à nouveau celle qui lui faisait face, sa silhouette contre le bleu du ciel. Elle cherchait en elle quelque-chose qui la convaincrait une bonne fois pour toute, sans qu'elle n'ait la tentation de faire marche arrière. L'impression qu'elle allait réussir fut la seule chose qu'elle trouva, et c'était déjà bien assez.

Je crois que nous pouvons commencer alors. Pourvu que que mes souvenirs ne te soient pas trop néfastes.

L'elfe ne savait pas très bien comment cela allait se dérouler, mais elle devina qu'elle le découvrirait rapidement.
Avant qu'elle n'ait eut le temps de penser à quel point elle devrait une reconnaissance à Vilnya, Dan Liang fit un pas en avant. Elle ne fit pas attention, trop concentrée, à la forme qu'il rejoignait à présent, mais lui l'avait d'ores et déjà reconnue.

Le nez dans l'herbe, il cherchait la cause de son enthousiasme soudain, cette sensation incompréhensible qui vous serre le ventre, vous prend à la gorge, vous étreint jusqu'à n'en plus pouvoir et semble ne plus jamais vouloir vous laisser respirer. Cette petite bête qu'il avait aperçue, c'était bien plus qu'un ami, c'était un frère. Il la connaissait mieux que quiconque, et sa maîtresse lui avait toujours fait confiance sans même savoir à quoi, ni à qui, il se rattachait. Dan Liang, lui, le savait bien. Malheureusement, il était dans l'incapacité d'en faire part à Oliana. Il était en quelque sorte au courant de tout, ou peut-être au courant de rien suivant les moments. Comment un cheval aurait-il pu communiquer avec une elfe à ce point là. Il savait lui traduire ses émotions, mais il était dans l'incapacité de lui livrer ses connaissances. Pour le faire il lui aurait fallu des mots.

Dan Liang donna un maigre coup de tête à son vieux frère ailé. Ce papillon n'était pas tout à fait un être pensant, puisqu'il n'était pas si véridique que cela, néanmoins il était connecté à un être qui, lui, était parfaitement doté d'une conscience. C'était très certainement pour cela d'ailleurs, qu'il l'avait envoyé ici. Le papillon, un morpho menelaus reconnaissable entre milles grâce à ses ailes qui utilisaient la lumière pour amplifier sa couleur bleuté, était visible de très loin. Ce petit espion n'était donc utile que s'il s'intégrait à la vie de sa cible, ce qu'il avait formidablement fait ces dernières années. Suite à un accident néanmoins, dans une ville on ne peut plus connue, son maître avait du se résoudre à le rapatrier et à se faire un peu plus discret. Le cheval pensa que cette bestiole devait avoir de bonnes raisons pour revenir, et que ce ne devait pas être sans rapport avec un quelconque danger pour l'elfe qui, à quelques pas de là, s'apprêtait à découvrir ce que son esprit s'était pourtant affairé durant si longtemps à lui masquer.

Elle ferma les yeux sans plus savoir où se mettre, ses mains dans celles de la voyante. Oliana sentait une force étrange la lier à elle, qui dépassait son entendement. Les limbes de son esprit étaient en ébullition, elle sentait un douloureux mal de crâne se tailler une place dans sa tête. Un mécanisme dont elle n'avait pas connaissance tentait tant bien que mal de soustraire la mémoire de l'elfe à la vision de la voyante, mais il était sûrement trop tard. Ce mécanisme, ce mélange de douleur et d'impuissance qui barrait la route aux pensées d'Oliana depuis si longtemps, menaçait de s'éffondrer. Elle l'avait mis en place sans s'en rendre compte, il y avait de cela 25 ans, suite à un flux brutal de vérités trop lourdes à porter. Il était en quelque sorte semblable à un barrage en fin de vie. Tout au long de ces années, il avait résisté à la pression, avait réussi à contenir cette eau saumâtre qui voulait faire tomber ses fondations. De temps à autres, quelques gouttes filtraient, quelques souvenirs revenaient, mais cela ne tenait jamais de l'inondation. Ces derniers jours pourtant, les murs avaient été sur le point d'exploser. À présent, cela était d'autant plus tangible qu'une pression extérieure se rajoutait à celle des souvenirs.

Les yeux fermés, Oliana sentait les embruns de le l'océan jusqu'à elle, les mains douces de la voyante dans les siennes, et en même temps tout cela ne lui paraissait irréel. Il y avait quelque chose de plus réel en elle que ses infimes perceptions. C'était un appel qui retentissait en elle, incessant.

*Que je me rappelle... il faut que je me rappelle... *
*Ne t'inquiète pas, tous les mauvais moments ont une fin. Il suffit que tu retournes sur la bonne voie. *
*Cela reste à prouver. De toute façon tu n'as pas à écouter ses paroles. Reviens vers moi... *
*Qui... ? *

Mais la question demeura sans réponse, perdue par le vent.

[HRP : Désolée pour ma lenteur à répondre ^^]