La fugue...

18 Autÿn 2855, début d’après midi.

Encore une fois Il l’avait battue. Encore une fois, elle était blessée. Encore une fois, Il l’avait envoyée se nettoyer à la rivière. Mais cette fois là, elle ne revint pas. Cette fois là était de trop !
Avant de partir, elle avait pioché dans la réserve de pièces située sur la cheminée. Elle ne l’avait pas dilapidé, non, elle en avait pris juste une petite poignée. Et puis, elle le méritait cet argent !

*et une pièce pour un coups, et une pièce pour un juron, et une pièce pour ça et une pièce pour ci…*
Elle comptait les maigres piécettes contenues dans son sac en bandoulière. Vêtue de son éternelle robe de lin beige foncé et de ses guêtres blancs, Zelenya faisait bien plus que ses 17 ans. Sa haute stature imposait le respect même si sa maigreur faisait parfois rire les gens de son village.

Elle arriva tout d’abord en vue de la rivière. Son corps ne la faisait plus souffrir par la force de l’habitude. Elle vit qu’elle saignait à l’aine droite. Elle trempa donc son pied menu dans l’eau calme et paisible puis, comme à son habitude, posa sa main gauche sur son aine blessée. Quelques secondes plus tard, elle n’avait plus de blessure.
Par contre, fatiguée, mais sure d’elle, elle commença à s’enfoncer dans la forêt en direction de la plus grande ville qu’elle connaissait : Ra’Sibe.
Elle y allait souvent avec son père pour faire les quelques courses qu’il ne pouvait faire au village.
Elle repensa avec nostalgie à son beau village situé à la frontière entre Sibéra et la forêt d’Aldarion.
Elle secoua la tête
*il n’était pas temps de penser à tout ça*.

Elle se dirigea tant bien que mal vers la route, ses jambes peinaient à la porter, son souffle s’amenuisait à chaque seconde, ses yeux mauves reflétaient son mauvais état. En effet, à chaque soin, son corps perdait beaucoup d’eau, il fallait à chaque fois se ressourcer dans la rivière. Mais elle n’avait pas le temps. Son père la chercherait bientôt.

Arrivée près de la route, elle entendit un chariot tiré par des chevaux, elle reconnaissait leurs sabots sur les pierres du sol. Elle s’allongea en bordure, et observa. Elle remarqua que la carriole était vide à l’arrière, probablement une personne allant faire des courses à la ville pensa t’elle de suite. Elle prit son plus bel élan et sauta le plus discrètement possible dans le chariot, elle leva la tête. L’homme, chantant à tue-tête, ne l’avait même pas remarqué.
Au bout de quelques temps, elle finit par s’endormir, bercée par les chants lancinants de son sauveur.

Elle fut réveillée par cet homme qui ne chantait plus, il la regardait avec surprise. Elle grimaça en un rictus forcé.

-Pardonnez moi monsieur mais je me suis endormi.

-Mais que faites vous là, p’tite dame ?

-Je suis… désolée…

Zelenya partit comme une voleuse ne demandant pas son reste.

Elle ne reconnaissait pas cet endroit. Il y avait des navires, des chariots partout. L’air sentait le poisson, les détritus aussi par endroit.
Elle tournait en rond, sur elle-même, perdue et horrifiée par cette foule qui lui faisait peur. Elle était toujours épuisée et s’affala contre un mur, l’air hagard.

Eldereth revenait tout juste d'une de ses "Escapades" comme il les appelait. Voilà trois ans qu'il avait assassiné son maître et était à son compte. Vêtu de son éternel manteau noir à capuchon muni d'une longue cape le dissimulant entièrement, il errait dans les rues, observant les différents quartiers. Il aimait cette ville c'était certain.

L'Escapade d'aujourd'hui avait été promptement menée, trop à son coup. Entré dans la maison, la noble était de dos. Deux pas, dégaine, tranche, essuie, retourne, sort. L'escapade était terminée et il rentrait à l'une de ses planques. Tout était comme cela en ce moment, ennui, ennui mortel. Il sortit une de ses dagues et se récura les dents avec la pointe, observant deux enfants poursuivant un chien à en perdre haleine.

Il ne regrettait en rien ce que la vie avait fait de lui, il était un être sans peur, sûr de lui, ne s'accablant d'aucun détail. A l'angle d'une ruelle il jeta un simple regard dans l'ombre, rien. Ce regard avait découvert durant un court instant une partie de son visage, laissant voir un visage fin, d'un blanc neigeux, où deux runes à peine cicatrisées dénotaient totalement par leur noirceur. Ses yeux ambrées scintillaient presque alors qu'une mèche de cheveux noire aux reflets argentés passaient devant son visage avant qu'il rabatte de nouveau son capuchon, il avait trop traîné. Il se pressa un peu, de son pas de félin vers la planque du port. Devant la planque se tenait une femme. A dessein ou non elle s'était affalée a un mur où se dissimulait une minuscule entrée qui était dévoilée par un petit levier dissimulé dans la paroi du mur... Juste au niveau du dos de la jeune femme. Eldereth s'arrêta à l'angle d'une maison et tapa du pied, agacé. Il savait que depuis un moment plusieurs assassins suivaient sa piste et voullaient le supprimer, augmentant ainsi leur propre charge de travail.

Il observa alors la place d'un oeil expert. Les regards étaient détournés, tout le monde occupé à ses affaires. En deux grands pas il fût sur la jeune femme. La saisissant par le col il la releva, actionna le levier dissimulé, un pan du mur coulissant. Il pénétra dans la planque tirant toujours d'un geste brusque la jeune femme qu'il jeta presque dans la planque avant de refermer le pan de mur à l'aide d'un autre levier. Il se retourna alors doucement, tirant une dague de sa botte gauche et fixant la jeune femme à terre de son regard embrasé par la colère. Trois mots se détachèrent de sa bouche entre ses dents serrées, trois mots montrant tout le danger que représentait cette rencontre pour la jeune femme....

"Qui. Êtes. Vous."

Il avança alors, doucement, sur ses gardes, vers la jeune femme...

Qui. Etes. Vous ?

Zelenya n’avait pas compris ce qui lui arrivait, soulevée, emmenée, jetée puis menacée d’une dague. Et enfin, ces mots qui la glaçaient d’effroi par leur ton.

De l’eau… je… vous en … supplie…

Elle sentait bien qu’elle était en danger mais dans son cas, peu lui importait. Trois choix s’offraient à elle : mourir de la main de son père, mourir par son manque d’eau ou mourir de cette dague.

Dans sa tête tout se bousculait, et puis cet « homme » étrange, elle ne comprenait pas. S’il voulait la tuer, pourquoi ne pas le faire maintenant et s’il ne voulait pas la tuer, pourquoi la menacer maintenant ?

Elle supplia du regard son interlocuteur, ignorant la bouche pincée.

Eldereth jeta un oeil à la planque vérifiant que tout était en place. Deux longues tables bordaient les deux murs opposés, laissant un grand espace au centre, en face de la <>, où se trouvait maintenat alongée la jeune femme. Au dessus des deux tables en bois massif se trouvaient une collection d'armes accrochées au mur, dagues, épées, gourdins, armes de jets diverses, boite d'aguilles, flechettes, arc... Un arsenal effrayant en lui meme. La table de gauche était couverte de fioles, outils étranges liées aux potions alors que la droite était couverte de mannequin, cadenas, serrures et cibles de lancer. Tout le fond de la pièce était couverts de pos, minuscules serres et ateliers d'herboristerie, de quoi tenir toute une boutique. Le sol n'était pas pour ainsi dire propre. Pas un grain de poussière n'y trainait mais de longues traces résultantes de potions explosives, corrosives, égratinures liées à des chocs d'épées, de flèches, d'armes de lancer rendaient le sol inégal, ressemblant plus à une peinture chaotique qu'au plancher d'une maison.

Eldereth haussa un sourcil devant la remarque de la jeune femme. Il savait identifier le mensonge d'un fait avéré et la jeune femme semblait tout à fait à bout de force, totalement déshydratée. Voilà qui lui posait gravement soucis. Il était habitué à éteindre ces étincelles de vie, pas de les entretenir. Il déposa son équipement sur la table des serrures, poussant négligemment l'équipement pour déposer tout en vrac, à l'exception des armes qu'il prit et rangea à leur place. Celà lui prit un certain temps, comme s'il transportait toute une armurerie avec lui. Durant ce temps il ignora superbement la jeune femme innofensive au milieu du plancher, tout à son oeuvre, cela lui laissant le temps de réfléchir à une question simple mais compliquée : Tuer ou ne pas tuer? Il se rappelait soudain pourquoi normalement il tuait avant d'avoir à se poser ce genre de questions. Alors qu'il se retournait enfin, après avoir ranger tout son équipement, un feulement retentit au fond de la planque, une grande forme se levant et trottinant vers lui, il l'accueillit d'une caresse sur le museau et la grande panthère vint s'allonger devant la porte, fixant son regard sur la jeune femme, de ses grands yeux, posant sa tête sur ses pattes.

N'ayant plus de prétexte pour éviter la confrontation il se tournant vers la table d'apothicaire et saisit un étrange flacon remplit d'un liquide bleu qu'il tendit à la jeune femme. Le flacon avait à peu près la taille d'une jare, mais tout de verre, un splendide ouvrage que le jeune homme avait sans doute "emprunté". Se détournant à nouveau après avoir posé la jarre devant la jeune femme il rangea le reste de son équipement qu'il avait négligemment posé sur la table. L'échange s'était déroulé sans un mot, sans un signe, sans une expression. Il avait simplement déplacé une jarre, il n'avait pas aidé la jeune femme...

Zelenya regarda de ses yeux mauves de plus en plus sombres la jarre déposée par l’ »homme ».
Elle secoua la tête.
Il ignorait tout d’elle, il ne comprenait pas.
Elle observa cette pièce qui lui semblait un lieu de torture. Toutes ces armes…
Elle cherchait des yeux un bac d’eau, mais ses yeux la trahissaient, elle ne voyait que des ombres partout. Des étoiles commençaient à apparaître dans ses pupilles.
*il ne doit pas vivre ici*
Elle s’affalait de plus en plus sur elle-même, il avait rangé son équipement, peut être ne craignait elle plus rien ?
Quand elle entendit le feulement, elle prit peur. La vue de la grande panthère lui donna à penser qu’en fait il avait une arme de plus, bien plus redoutable celle là.
Elle s’allongeait sur le sol, sans défense, ses yeux se fermant doucement…

Bac… d’eau… prie…

La jeune femme gémit au sol, faisant lever les yeux au ciel à Eldereth. Il lui avait donné à boire. Cela ne lui suffisait-il pas?!

Bien... Si elle le souhaitait... Mais après tout pourquoi lui en donnerait-il? Imaginons juste que c'est un assassin se servant d'un pouvoir sur l'eau comme d'une arme... Il se mettrait donc volontairement en danger. Il secoua la tête, cette jeune femme frêle ne devait pas être une menace, et pourtant elle dégageait quelque chose de... Spécial. Il n'aurait sû dire quoi exactement mais il fallait qu'il intervienne, en bien ou en mal, il ne pouvait juste pas laisser cette femme agoniser. Il jeta un oeil à sa panthère qui lui envoya un coup d'oeil tout à fait explicite. Il ne pourrait pas satisfaire sa curiosité s'il ne la tenait pas en vie avant. Soit. Il secoua la tête, il ne pouvait prendre cette décision, c'était contre tout son fonctionnement de pensée. La panthère se leva alors, passant juste à côté de la jeune femme, la frôlant presque, le courrant d'air créé par le mouvement faisant teinter quelques armes.

Elle disparut un moment, un bruit de métal survenant à l'arrière de la boutique. On entendit alors que l'on trainait quelque chose, faisant ce même bruit de métal. Une hache peut-être? Alors la panthère revînt dans le champ de vision des deux personnes. Elle trainait une grande gamelle d'eau, probablement la sienne, qu'elle tira jusque devant le visage de la jeune femme.

Eldereth leva les yeux au ciel, s'il avait quelque part une âme, elle devait être dans cette panthère. Celle-ci se déplaca justement vers la jeune femme, passant sa tête sous son bras pour l'aider à se relever. Eldereth fixa alors la jeune femme, curieux de voir comment elle réagirait à ce contact, et qu'allait il se passer...

Zelenya était à bout de force. Elle pensait qu’elle allait mourir, là, et que cet homme ne l’aiderait pas. Le désespoir prenait le dessus.
Elle ne suppliait plus, elle était allongée et attendait la fatalité. Elle ferma les yeux.
Un bruit se fit entendre, un bruit de métal. Elle pensa que l’homme attrapait une des armes pour l’achever. Elle n’avait plus peur.
Elle sentit un contact sous son bras mais… Au lieu de sentir une arme froide et dure, elle sentait une masse chaude et moelleuse. Elle entrouvrit les yeux et aperçut la panthère. Elle n’avait pas peur, elle ne se sentait pas en danger, alors. Elle observa qu’à côté d’elle se trouvait une gamelle d’eau, elle reprit espoir. Tout se bousculait dans sa tête
Allait il la tuer ensuite ? Pourquoi la panthère l’aidait ? Qui étaient ils ?

Elle se traîna vers la gamelle, avec l’aide de la panthère. Sa robe se déchira sur le sol, elle se trouvait à moitié dénudée maintenant mais ça lui était égal, il lui fallait cette eau. L’instinct de survie détruit toutes les barrières.
Elle déposa tant bien que mal sa main dans la gamelle et son rite de régénération commença.
L’eau tourbillonna autour de sa main, puis s’insuffla dans son corps par chacun des pores en contact. Elle ressentit la douce et apaisante eau de la vie se propager en elle.
Une fois ses forces revenues, elle fit une caresse à la panthère et la remercia en lui parlant d’une voix douce et pure, presque comme une chanson lyrique.

Elle leva alors ses yeux redevenus verts en direction de l’homme.
Bonjour monsieur. Allez vous me tuer à présent?

La panthère était restée collée à la jeune femme pendant qu'elle se "Revitalisait". Eldereth était resté immobile, observant le phénomène avec tout son détachement scientifique habituel. C'était curieux cette manière de reprendre des forces. Il ne restait plus une seule goutte d'eau dans la gamelle. Il semblerait que cette jeune femme soit une genre d'adepte de l'eau ou du moins qu'elle s'en sert comme d'une nourriture. Voilà qui expliquait pourquoi elle avait dédaigné l'elixir. Eldereth secoua la tête, écarquillant les yeux sous son capuchon. Quelle surprenante rencontre assurément. Il avança alors doucement vers la jeune femme, d'un pas feutré tout son corps arqué en arrière comme un cobra avant de frapper. Ramassant doucement la gamelle il la reposa sur la table, ignorant encore une fois la remarque de la jeune femme.

La panthère s'était relevée et avait repris sa place, fixant de nouveau la jeune humaine de son regard perçant, semblant comprendre plus de chose qu'elle n'était sensée. Un léger tintement retentit près du mur d'entrée, il s'avança promptement, entrouvrit la porte, attrapa un billet qui glissa miraculeusement à ce moment précis par l'embrasure, jeta un coup d'oeil "Ce soir. Rue de la Voûte. Cible : Dame Jeanaria Elec'Devion." et sortit un petit ustensile d'une de ses poches. Il brula alors le billet, laissant les cendres reposer à même le sol.

Il se retourna vers la jeune acolyte, analysant la valeur qu'elle représentait maintenant son "secret" découvert. Pouvait-elle lui être utile? Pouvait-elle soignait quelqu'un d'autre qu'elle-même? Il fallait la tester et promptement, qu'il sache à quoi s'en tenir. Il dépassa la jeune femme, attrapa une gourde et remplit à nouveau la gamelle. Il saisit alors une dague au mur. Posant la gamelle de la même manière, devant la jeune femme il prit la dague et se coupa l'avant bras sur dix centimètres, laissant apparaître une plaie sanguinolente. Il brandit alors l'avant bras devant la jeune femme, attendant de voir sa réaction.

Il était comme captivé par cette jeune femme, désirant presque qu'elle fasse ses preuves pour ne pas avoir à la supprimer tout de suite, mais il était temps pour les capacités de parler...

Zelenya posait maintenant un regard inquisiteur sur l’homme. Son corps lorsqu’il marchait indiquait qu’il était aux abois, probablement pas si sûr de lui qu’il ne voulait le laisser transparaitre. Et puis, cette facheuse tendance à ne rien dire la perturbait, on comprend des choses sur son interlocuteur lorsqu’il émet des sons de sa gorge.
Il ne l’avait pas tuée directement, qu’attendait il d’elle ?
Lors d’un instant, il avait baissé sa garde, le temps de ramasser un papier près de l’embrasure de la porte. Elle avait eu une seconde d’hésitation, devait elle faire intervenir les lucioles ? Elle décida que non, cet homme l’intriguait. Et puis, elle sentait que ce n’était pas tout…

Sur le papier, elle n’eut que le temps de lire : « rue de la Voûte » Elle connaissait cette rue de nom mais n’y était jamais allée, enfin dans son souvenir.
Que pouvait contenir ce papier ? La curiosité de la jeune femme s’en trouvait de plus en plus confortée. Quand il brûla le billet, elle comprit que ça devait être grave, peut être en saurait elle plus à un autre moment.

Quand elle vit ensuite son manège pour se blesser et la tester dans les soins qu’elle pourrait prodiguer, elle réfléchit longuement.
Si je le soigne il saura tout de moi… Et si il se servait de moi ensuite pour des choses malsaines ? Mais je ne peux pas laisser quelqu’un blessé, même mauvais… Et puis jusque maintenant il ne m’a fait aucun mal…

Elle trempa délicatement son pied gauche nu dans l’eau de la gamelle et tendit ses mains vers l’avant bras. Ses mains tremblaient, les émotions de ces dernières heures commençaient à lui peser. Elle les posa complètement sur le bras et ressentit la fameuse chaleur dont elle avait l’habitude.
La plaie de l’homme se résorbait à vue d’œil, elle n’était pas bien grave. On ne pouvait voir aucun changement sur les mains de Zelenya si ce n’est cette chaleur douce et diffuse.
Au niveau de la gamelle, l’eau s’agita et pénétra dans le corps de la jeune fille.

Une fois le soin effectué et sa régénération complète, elle se mit tout doucement debout. L’homme put ainsi voir que la jeune femme était très grande pour une humaine. Elle tenta de se rhabiller promptement pour reprendre contenance. Ses yeux se posèrent de nouveau sur l’homme.

Puisque vous ne voulez rien dire, permettez moi de partir

Elle sourit aux mots qu’elle venait de prononcer, elle savait qu’elle ne quitterait pas cet endroit de sitôt. Elle regardait donc l’inconnu avec un sourire magnifique et pas une once de peur.

Eldereth analysa l'ensemble des sensations et effets de la guérison, il avait vu juste, la jeune femme détenait un fameux pouvoir, et potentiellement inépuisable étant donné qu'il tirait sa force d'une source externe. Une chose était sûre, il ne devait pas laisser partir cette femme avant d'avoir saisi l'ensemble du potentiel qu'il pourrait exploiter pour lui-même. Il détenait un atout majeur pour faire de lui l'assassin le plus renommé de toute la ville, voir du pays. Elle semblait grande, athlétique, bien que peu musclée. Elle serait donc plutôt en réserve pour soigner après une escapade. Oui, en vérité, s'il mettait sur place son plan de créer une troupe d'assassins sous ses ordres, avoir une guérisseuse ne serait pas de trop.

Alors que les idées fourmillaient dans sa tête il la vit reprendre contenance, repoussant toute peur dans une situation dans laquelle elle n'avait strictement aucun contrôle ce qui, dans ce cas, démontrait un profond sens de l'intuition. Elle s'adressa alors à lui, lui demandant si elle pouvait partir. Voilà qui était logique mais... S'il avait raison sur la jeune femme et sur le fait qu'elle n'avait rien à perdre... Oui, voilà exactement qui convenait à la situation. Il allait lui retourner le compliment...

Très bien, si tu veux partir, vas y.

Sur ces mots, il ouvrit la porte en grand, dévoilant le port. Il lui jeta alors un regard entendu, sachant qu'elle comprendrait parfaitement bien : Elle avait plus à gagner à ses côtés.

Quand il ouvrit la porte en grand en lui répondant qu’elle pouvait partir, Zelenya fut décontenancée. Elle n’avait pas prévu cela du tout, mais alors pas du tout. Elle avait cru qu’il la garderait. Elle fit quelques pas vers la porte en remerciant l’homme de l’avoir sauvée.
Elle ne savait pas où aller et cet homme avait été si gentil avec elle.
Depuis la mort de sa mère, sa vie était un vrai calvaire avec son père qui la brutalisait. Elle avait fui cet immonde personne et elle se retrouvait, là ,maintenant, face à cet homme qui lui avait sauvé la vie même si techniquement c’était plutôt la panthère mais bon…
Elle savait qu’en disant les paroles qui lui venaient aux lèvres, elle allait regretter de les avoir dites mais ce fut plus fort qu’elle :

A qui dois-je la vie ?...
Oh et puis zut ! ça m’est égal !

Elle continua vers la porte avec des petits pas. Tout en elle lui disait de rester sauf cette petite, toute petite conscience qui lui intimait le contraire.
Elle arriva à la porte, jeta son sac bandoulière qu’elle tenait à la main vers la droite de la pièce puis affirma d’une voix chevrotante :

Oh ! J’allais oublier mon sac, l’auriez vous vu ?

Elle savait qu’il comprendrait son manège. Elle savait aussi qu’il jouait avec elle mais quelque chose la rattachait à lui, elle ne savait pas encore ce que c’était.

Eldereth arborait son habituel sourire narquois, mais pas totalement, il avait tenté la jeune femme, sachant pertinemment qu'elle ne désirait pas partir. Néanmoins lorsqu'elle fit quelques pas vers la porte il avait retenu son souffle. Pourquoi? Il n'avait besoin de personne, c'était plus de la... Curiosité. Néanmoins elle s'était arrêté, comme il s'y était attendu, et aussi comme il l'avait espéré...

Elle lui avait demandé, sommes toutes, qui il était. Il n'avait pas de nom, juste de multiples visages, chacun convenant à un type de situation. Il attendait, pendant que le temps se dilatait, chaque seconde lui paraissant une éternité, chaque pas de la jeune femme se transformant en des heures de patience. Et finalement la manœuvre de la jeune femme le fit presque rire. Il secoua la tête, intérieurement, il ne désirait pas la mettre davantage mal à l'aise.

Il se redressa mais avant d'avoir pu faire un seul geste, la panthère le dépassa, saisit le sac entre ses crocs, se posta sur ses pattes arrières et accrocha le sac au mur à l'aide d'une des accroches habituellement utilisées pour les armes. Le sac détachait maintenant dans la pièce, comme un élément qui n'était pas à sa place. La panthère se retourna alors vers la jeune femme et lui sourit presque. Du moins c'est ce que sa gueule s'entrouvrant sur les gigantesques crocs exprimait. Son regard était transperçant, Eldereth la connaissait assez pour le savoir bien qu'il y soit dorénavant habitué. Dans la ville la cloche sonna l'heure, ramenant Eldereth à la réalité et à la situation actuelle.

Il se tourna vers la porte et la referma de nouveau, il se balada dans la pièce, déplaçant certains objets, en sortant d'autres, posant certains sur la table, d'autres sur le sol. L'ensemble de la situation paraissait étrangement dérisoire. Alors, lorsqu’il se retourna, la position des objets devint claire, deux espaces étaient libérés sur chacune des tables, une paillasse était étendue au sol au fond de la pièce, avec une grande bassine d’eau. Plusieurs ustensiles, dont notamment des grimoires tenaient sur l’une des tables, attendant presque la jeune femme. Il la regarda alors dans ses yeux de nouveau.

Si vous voulez partir, je le répète, c’est maintenant. Si vous acceptez de rester, je vous dévoilerais ce qui vous attend.

Décidant qu’il était clairement brusque avec son attitude hautaine il amorça un simili-sourire qui ne fut pas une grande réussite mais c’était mieux que rien. Alors qu’il s’apprêtait visiblement à reprendre la parole, une troupe de bébé panthère déferla dans la pièce, entourant la nouvelle venue, sentant presque sa décision à venir… Eldereth observa alors la réaction de la jeune femme, amusé.

Zelenya savait qu’elle devait rester même si elle ignorait encore pourquoi.
Elle avait choisi au moment où elle avait jeté son sac contre le sol et elle était agacée qu’il la prenne relativement de haut. Ce sourire forcé la contrariait car elle savait qu’il n’attendait que ça : qu’elle reste. La panthère le lui avait montré, elle se doutait qu’une espèce de lien existait entre l’homme et la panthère.
Elle était toute à sa réflexion lorsqu’elle vit apparaître les petites panthères toutes aussi belles les unes que les autres et elle se mit à genoux au sol puis elle tendit la main pour qu’elles viennent la renifler.

Elle observa alors la pièce, tout semblait avoir été conçu pour qu’elle loge ici, cela faisait une énigme de plus à élucider.

Elle regarda l’homme.
Vous ne m’avez pas facilité la tâche mais je suis prête à entendre ce que vous allez m’apprendre.
Son regard vert et pur se détacha de l’homme rapidement, elle avait entendu un bruit au dehors. Elle secoua la tête, ne pourrait elle jamais être en paix et ne rien craindre ?

[Je lock.]

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